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Tout est parti d’un article fort documenté de Jean Birnbaum publié dans Le Monde des idées, intitulé : « La gauche déchirée par le racisme antiraciste ». L’auteur y analysait la dérive ethno-différencialiste d’une partie de la gauche ayant rompu avec l’utopie universaliste pour voir dans le Blanc l’ennemi absolu, et dans toute critique de l’islam et de ses dérives le signe extérieur d’un racisme caché.
Dans sa recension, fort logiquement, Jean Birnbaum relevait le rôle notable de Houria Bouteldja, égérie des « Indigènes de la République », auteure du livre Les Blancs, les Juifs et nous, où elle franchit la ligne jaune du racisme, de l’antisémitisme et de l’homophobie avec une maestria qui n’a d’égale que la prétention de sa logorrhée.
C’était le nom à ne pas citer. On ne touche pas à Houria Bouteldja sans riposte immédiate.
Quelques soldats perdus de la lutte pour l’émancipation ont donc pris la plume pour signer dans Le Monde ce texte ahurissant d’allégeance à une dame qui a exposé son racisme au vu et au su de tous. Et de nous expliquer que le livre de la dame est « important, complexe et tiraillé », que sa pensée est « en avance sur son temps » (c’est inquiétant pour l’avenir), que ce déchaînement est « insupportable », même si les signataires susdits affirment ne pas se retrouver « dans tous ses arguments ni toutes ses positions » (sans que l’on en sache plus sur le sujet, ce qui est dommage).
Pour notre commando de chasseurs de tête, l’important n’est pas là. L’important, c’est l’attaque contre « l’antiracisme dans son ensemble », alors que « la haine qu’Houria Bouteldja suscite est à la mesure de son courage ». Voilà. On peut donc défendre une raciste au nom du combat antiraciste. On peut saluer le « courage » d’une personne attachée à son identitarisme comme une huître à son rocher.
Dernier exemple en date de ce « courage » hors norme :
En réponse, Houria Bouteldja a signé sur Facebook un doux commentaire significatif de son sens de la poésie et de son ancrage indéfectible dans le fondamentalisme pur et dur :
« Il ne s’agit que de l’agression vulgaire d’une civilisation qui tient à préserver son hégémonie sur ses éternels indigènes… »
Généralement, les membres du fan club de Houria Bouteldja se revendiquent du combat antifasciste, au point parfois de déceler la « bête immonde » à chaque coin de rue. En temps ordinaire, ils traquent le « dérapage » verbal comme d’autres le moustique pendant une chaude nuit d’été. Ils voient le fascisme revenir chaque matin.
Au vu d’une telle obsession, on pourrait penser que ces veilleurs de la démocratie seraient les premiers à dénoncer une dérive identitaire en tout point comparable à celle du FN, sauf qu’elle est à front renversé. Eh bien non. Dès lors que la parole raciste est portée par une voix se réclamant des présumés opprimés d’hier, d’aujourd’hui et de demain, elle est parfaitement recevable.