Il aura donc suffit de cela pour que la police dévoile son vrai visage. Quarante personnes assises par terre qui refont le monde. Si la désormais traditionnelle manif du jeudi avait commencé normalement, s’était déroulée normalement, le froid et la grisaille en avait tout de même dissuadés certains de venir marcher. Nous étions moins nombreux que d’habitude. Mais qu’importe, car ceux qui étaient présent forment un noyau dur et motivé qui force une certaine admiration. Plusieurs fois, le slogan « anticapitaliste » s’est imposé dans le cortège. Quelques « la police protège les socialistes » amusés se sont aussi fait entendre à hauteur du siège du PS. Il y avait dans ce cortège un changement palpable d’ambiance. Le spectacle de la contestation, cette joie étrange de l’autocongratulation portée avec cynisme par les professeurs et les médias semblait un peu dissipée. Des interrogations déci delà se faisaient sentir « marcher, d’accord, et après ? »
Comme pour le mouvement gilets jaunes, cette masse de jeune souvent sortis pour la première fois dans la rue ont eu droit en quelques semaines à une formation accélérée en réalité. A cette joie spontanée, au plaisir de la réappropriation de l’espace public, ils n’ont eu pour seule réponse que l’établissement de coach climat dans leurs établissements scolaires. Et soyez assuré qu’ils ne sont pas près de pardonner un tel mépris.
Autre fait nouveau, la constitution d’une assemblée générale en fin de manifestation, sur la place Barra a suscités de beaux débats. Autres similitude avec le mouvement gilets jaunes : le nombre encourageusement élevé de jeunes femmes comme à chaque fois que, dans l’histoire, une question politique est sur le point de bouleverser rapports sociaux et organisation de la vie. Dans une ambiance très bienveillante, plusieurs interpellations et discours se sont fait entendre sans qu’il n’y ait besoin d’avoir recours à un modérateur de débat. On ressentait là un réel besoin de parler, et un réel désir d’échanger pour continuer cette immense tâche qui nous est dévolue.
La police bien sûr, était présente. Nous avons pu croiser en civil un policier connu de nos services pour avoir infiltré des AG gilets jaunes à Bruxelles, se faisant honteusement passer pour une sortes de trotskyste un peu à la masse. Les services de renseignements qui, depuis le début du mouvement climats cherchent ostensiblement à intimider les quelques gilets jaunes autonomes que nous sommes afin d’empêcher toute convergence de nos deux luttes, et tout dialogue entre nous, ont cette fois échoués.
Il fut question à l’assemblée générale du renversement du capitalisme, du changement radical de nos modes de vie. Il fut question de la ZAD de Haren ou de Notre-Dames-des-Landes , de blocage, d’occupation, de refus de se laisser faire la leçon par tous ces politiciens responsables du désastre en cours . Somme toutes, un travail de recherche vers une autre manière d’imposer la transition écologique a commencé là. Jamais il ne fut question d’élection ni de parti. Et une sorte de consensus général affirmait que des changements individuels, s’ils sont importants, ne seront pas suffisants. La maturité politique de cette « génération climat » vengeait un peu les sentiments de tartufferie qu’avaient créée en nous les marches climats du dimanche.
La police, disions-nous à dévoiler son vrai visage. Effacé ce sourire niais et satisfait des profs, des médias, et des flics face à la gentillesse d’un mouvement venu aisément supplanter sur le devant de la scène le mouvement gilets jaunes, glorifié même par le pouvoir en raison de son pacifisme. Tentant in extremis de faire capoter l’AG, ces bon gros messieurs de la police n’ont pas hésités à mettre la pression sur une jeune femme d’à peu près 16 ans pour qu’elle emporte le micro avec lequel nous avions commencé l’AG. (Vous faites vraiment un sale métier, les mecs.) Soit, nous avons continué sans micro, avec autour de nous, 6 agents des services de renseignements qui ont enregistré l’ensemble des interventions, qu’ils pourront à loisir écouter et réécouter pour commencer leurs travail de fichage en faveurs du monde tel qu’il est. Au bout d’un certain temps, il n’en resta plus qu’un et nous pensions qu’enfin, un peu de liberté nous était laissée. Celle de simplement discuter, de refaire le monde à quarante, assis par terre, dans un couloir venteux de la gare du midi. Grossière erreur d’appréciation puisque, quelques minutes plus tard, trois combis de police vinrent se positionner en prévision d’arrestations .
Spontanément, un début de manif sauvage s’est enclenché ; « La police déteste tout le monde. » « Tous ensemble ! Tout ensemble ! » ; avant de s’éteindre un peu plus tard dans la promesse que l’on se rêverait jeudi prochain, au même endroit, et qu’on obligerait cette fois le pouvoir à nous laisser parler.
Ceux qui hier encore riaient de notre slogan un peu puéril ont eu la confirmation que, en effet, « la police déteste le climat. »
Un sinistre crétin en civil en profita pour se moquer encore un peu des jeunes pour le climat. Sur son visage, le même mépris et les mêmes sarcasmes que les politiciens.
Sur le visage de ces agents du maintien de l’existant trône l’arrogant ricanement de l’Etat.
S’il fallait encore une preuve de l’absence de liberté dans ce pays, cet évènement en apporte une autre. Vous pouvez marcher tous les jeudis si ça vous chante, mais c’est tout. Même discuter est de trop. Ces techniques de répressions avides, advenues principalement depuis cette saleté de gouvernement MR-NVA, ne sont, par ailleurs, que des techniques de cours terme. La répression engendre la radicalisation. Quiconque a eu affaire au cynisme, a la froide indifférence de l’état n’en ressort que plus agacé encore.
Arrêtez de nous frapper, vous allez finir par créer des monstres.
Pour toutes ces raisons, il est essentiel que ces assemblées libres, ces assemblée du vivant, continuent et s’imposent après chaque marches climats, partout , pour continuer à y voir plus clair, pour continuer à échanger, à tracer ensemble ce chemin vers un autre monde, un monde qui ne serait pas tout entier organisé autour de la marchandise et du spectacle. Nous invitons les adultes, pour qui il est insupportable de voir ces gamins se faire titiller, menacer, se faire mettre la pression à rejoindre le cortège, à participer à ces assemblées qu’il faut assurément massifier. A partager leurs expériences, à rappeler à la police qu’elle n’a pas tous les droits. A défendre cette génération climats qui a d’ores et déjà donné une formidable leçon à tous les professionnels du bavardage qui ont rendu détestable auprès d’une partie des couches populaires le simple mot d’écologie, a coup de taxes et de mépris de classe.
Soyons les oiseaux qui apportent la tempête.
« Agir en primitif et prévoir en stratège.
L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant...
L’intelligence avec l’ange, notre primordial souci.
Poésie, la vie future à l’intérieur de l’homme requalifié.
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.
Nous faisons notre chemin comme le feu ses étincelles.
L’ennemi le plus sournois est l’actualité.
Etre du bond. N’être pas du festin, son épilogue.
Tiens vis à vis des autres ce que tu t’es promis à toi seul. Là est ton contrat.
Le poète se remarque à la quantité de pages insignifiantes qu’il n’écrit pas.
Les fondations les plus fermes reposent sur la fidélité et sur l’examen critique de cette fidélité.
L’action qui a un sens pour les vivants n’a de valeur que pour les morts, d’achèvement que dans la conscience de ceux qui en héritent et la questionnent.
Confort est crime m’a dit la source en son rocher.
Le fruit est aveugle, c’est l’arbre qui voit.
Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir.
Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.
Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. » (Renée Char)
Quelques Gilets Jaunes autonomes.
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