Néocolonialisme : La mondialisation, stade suprême de la colonisation
La mondialisation entraîne le recouvrement progressif du monde par le modèle économique ultralibéral et impose le règne sans partage des anciens pays colonisateurs. Loin d’être révolu, le système colonial s’en trouve renouvelé et généralisé.
« Le colonialisme est un régime d’exploitation forcenée d’immenses masses humaines, qui a son origine dans la violence et qui ne se soutient que par la violence ». C’est ainsi qu’Aimé Césaire décrivait la réalité coloniale. Le racisme est l’une des formes que prend cette réalité. La colonisation, c’est l’exploitation, au profit des sociétés industrielles métropolitaines, des richesses naturelles de la colonie au moyen d’infrastructures exclusivement réservées à la production et à l’exportation des produits coloniaux : chemins de fer, mines, plantations et ports... Le mécanisme colonial implique que la colonie reste exclusivement productrice de matières premières, sans industries de transformation, économiquement dépendante. Depuis l’effondrement, dans les années 1960, du système colonial, notamment grâce au soulèvement des peuples colonisés, les indépendances restent théoriques, la plupart du temps mises en place par les anciennes autorités, en collaboration avec leurs alliés locaux. En fait, selon la logique ultralibérale, les gouvernements de ces pays ne sont que des sous-traitants de la domination coloniale. La mondialisation quant à elle est le recouvrement progressif du monde par le modèle économique libéral, avec pour outils de gouvernance les institutions que sont le FMI, l’OMC et la Banque mondiale. L’emprise des pays riches sur les pays pauvres se révèle encore plus lourde qu’autrefois.
Une domination politique, économique et militaire
Le mécanisme colonial peut se résumer à trois caractéristiques : domination politique, économique et militaire, avec le racisme comme dénominateur commun. Politiquement et diplomatiquement, l’influence de l’État français sur les dirigeants politiques des États d’Afrique s’exerce par le biais des réseaux d’influence, dont les plus efficaces passent par les services secrets autant que par les ambassades. Les réseaux gaullistes Foccart, puis Pasqua et Mitterrand, ont choisi des chefs d’État africains, organisé des coups d’État et l’assassinat de ceux et celles qui refusaient les ordres de Paris. Ces réseaux politico-militaro-mafieux sont toujours actifs, de la Françafrique décomplexée du discours sarkozyste de Dakar à une certaine « gauchafrique » issue de la nouvelle donne politique française.
La dimension raciste de la mondialisation
Économiquement, les sommes versées par l’Etat français au titre de l’aide publique au développement ont pour but premier de créer des marchés pour les entreprises françaises (Bouygues, Bolloré, Areva, Total, BNP, etc.). La France demeure le premier fournisseur et le premier client de l’Afrique. Dans le « pré carré », les sociétés françaises dominent l’économie. Les privatisations (eau, électricité, téléphone) ne font qu’accroître cette emprise.
Militairement, dès l’indépendance, des accords de défense ont été signés avec la France et donnent à l’ancienne métropole coloniale le droit d’intervenir dans le pays africain signataire « pour sa défense intérieure et extérieure ». La France dispose en Afrique de bases qui lui permettent d’accomplir des interventions militaires : Opération turquoise et complicité de génocide au Rwanda, Force Licorne en Côte d’Ivoire. Actuellement au Mali, la France utilise la menace islamiste comme alibi. La France forme également les cadres des armées et gendarmeries de ses partenaires africains.
La mondialisation utilise comme instrument de domination un racisme systémique, comme à l’époque coloniale. Les ressortissants occidentaux et parfois les descendants d’anciens colons continuent à maintenir leur domination et leur emprise économique et politique sur les pays du Sud. Dans le cadre de l’ultralibéralisme, les blancs n’ont plus besoin des administrations des métropoles étatistes pour piller et exploiter. L’impérialisme culturel de l’Occident s’impose sans partage, détruisant toujours plus les modes de vie et cultures locales. Il s’exprime aussi par le biais de la Francophonie, club de chefs d’États pro-français financé par Paris.
Pretextes progressistes
La dimension idéologique, suractivée par la théorie du choc des civilisations, est omniprésente, et les stéréotypes racistes continuent à inférioriser les peuples du Sud et à représenter Africains et musulmans comme des barbares. Les prétextes moraux d’hier pour intervenir militairement (apporter la démocratie, le progrès, la santé, la « civilisation » …) se conjuguent avec de nouveaux, (droits des femmes, des minorités, actions humanitaires…). Au nom de l’universalisme, on continue de prétexter certaines valeurs progressistes pour affirmer la supériorité morale de l’Occident.
La colonisation est une domination violente qui progresse dans le temps par le fait accompli, de la mainmise sur une terre et un peuple jusqu’a son asservissement et sa destruction, physique ou culturelle, afin d’asseoir l’hégémonie du modèle occidental. Aujourd’hui, avec la mondialisation, ce modèle domine la planète.
La mondialisation est donc à une nouvelle forme de colonisation, qui, loin d’être révolue, perpétue son « œuvre » : une planète occidentalisée sur mesure où règnent les capitalistes.
Il est politiquement important de la définir ainsi, face notamment aux militants d’extrême droite qui affirment la responsabilité idéologique de l’internationalisme dans l’avènement de la mondialisation.
Gisèle Felhendler et Nico Pasadena (commission antiraciste)