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La lutte de la Zad de Notre-Dame-des-Landes

posté le 17/01/18 Mots-clés  luttes sociales  alternatives 

Pour empêcher la construction d’un aéroport près de Nantes, l’espace est occupé. Cette lutte permet de construire des solidarités nouvelles pour dépasser la civilisation marchande.

Les luttes contre l’aménagement du territoire se multiplient. Les grands projets d’urbanisation sont remis en cause. Pour empêcher la construction de bâtiments, des terres sont occupées. La Zad de Notre-Dame des Landes, qui s’oppose à un projet d’aéroport, reste emblématique de cette pratique de lutte. Le collectif Mauvaise troupe a déjà publié plusieurs textes sur ces nouveaux mouvements. Il actualise sa réflexion dans le livre Saisons, nouvelles de la Zad.

Début 2016, la justice décide d’expulser la Zad (Zone à défendre). Le collectif Mauvaise troupe propose son regard subjectif sur la lutte qui s’y déroule. C’est un point de vue informé puisque des membres de ce collectif habitent à la Zad. « Nous n’en sommes toutefois pas les porte-voix, simplement des regards singuliers, parmi une myriades d’autres », précise le collectif Mauvaise troupe. La lutte contre l’aéroport reste victorieuse. Les travaux n’ont pas commencé. Les zadistes ont réussit à bloquer les ponts et les autoroutes.

Renouveau de la lutte de la Zad

Le livre s’ouvre sur les évènements de l’hiver 2015-2016. Les tribunaux décident d’expropier les habitants « historiques » de Notre-Dame-des-Landes. Les paysans qui possèdent des terres et des habitations sur la zone de construction de l’aéroport sont chassés. Mais des paysans restent déterminés à rester.

Ces habitants historiques sont considérés comme les piliers de la lutte. « Des quatre coins du pays, c’est un territoire habité que l’on défend, et l’on est solidaire de la tenacité de celles et ceux qui sont allés jusqu’au bout, risquant gros : leur exploitation, leurs troupeaux, leurs nerfs et leur avenir », décrit le collectif Mauvaise troupe.

Une grande manifestation est organisée pour le 9 janvier 2016. Tracteurs et manifestants se rejoignent à la Zad. Face à l’offensive de la justice, les actions se multiplient avec succès. Le 27 février, 60 000 personnes défilent à nouveau. Pour faire cesser ce regain d’agitation contre l’aéroport, le gouvernement lance un référendum.

Au printemps 2016 éclate le mouvement contre la loi Travail. A Nantes, les affrontements avec la police se multiplient et les banques sont saccagées. Les médias locaux dénoncent les zadistes comme d’affreux casseurs.

Le 22 février 2014, la Zad se déplace à Nantes pour manifester. Cette journée se traduit par une importante destruction matérielle. « Les 500 tracteurs, les affrontements interminables, la grue de Vinci qui part en fumée, les vitrines effondrées… deux années n’ont pas suffit à les refouler ; au contraire, elles en ont fait un mythe si présent que cette date représente désormais l’étalon de la révolte nantaise », décrit le collectif Mauvaise troupe.

Des barricades et des tags humoristiques animent le parcours des manifestations. Le cortège de tête sort de l’encadrement des partis et des syndicats. Le mouvement de 2016 à Nantes se révèle particulièrement important, sans doute en raison de l’influence diffuse des zadistes.

Référendum et solidarités

Le gouvernement entend reprendre le contrôle de la situation à travers une bataille médiatique et politicienne. Le 26 juin, un référendum approuve la construction de l’aéroport. Les élus locaux et les politiciens dénoncent les zadistes comme des casseurs qui s’accaparent un territoire.

Mais ces commentaires provoquent des réactions de soutien à la Zad. Des journalistes syndiqués envoient un communiqué qui dénonce les conflits d’intérêts des titres Ouest France et Presse Océan qui reçoivent des subventions de la Région pour publier des articles de propagande. Une publicité « exigeant l’évacuation de la Zad » provoque la colère des journalistes. Des habitants de Notre-Dame-Des-Landes dénoncent également la propagande politique. « La zad ce n’est pas une forteresse isolée, mais au contraire un lieu foisonnant où se construisent des projets de vie basés sur l’échange solidaire. La zad fait partie de la dynamique de la vie de nos communes », indique le communiqué.

Les zadistes affirment qu’ils refusent le référendum et son prêts à résister à nouveau face à une tentative d’expulsion. « Le mouvement dans toute sa diversité assume qu’il se mettra physiquement en travers du chemin des tractopelles de la police si le gouvernement revient expulser ou démarrer les travaux : par des barricades sur le terrain et des blocages dans toute la région, par des manifs et des occupations », répondent les zadistes.

De nouveaux liens se créent. Un collectif syndical rend visite à la Zad. Des préjugés existent de part et d’autre. Les syndicalistes perçoivent les zadistes comme des jeunes qui vivent hors du monde et refusent la lutte. Les zadistes considèrent les syndicalistes comme des productivistes soumis à des bureaucraties. Mais les manifestations contre la loi Travail ont permis de créer des liens. Les syndicalistes estiment que les débordements participent à la construction du rapport de force. Manifester sagement ne sert à rien. Les zadistes apprécient ce soutien public.

Les syndicalistes de la CGT Nantes Métropole et de la CGT de l’aéroport Nantes Atlantique partagent même le combat des zadistes. Inversement, les zadistes se rendent sur les piquets de grève et participent au blocage du rond-point qui mène à l’aéroport. Les syndicalistes nantais restent attachés à la combativité ouvrière et sont impressionnés par les barricades des zadistes.

Le nouveau gouvernement décide de temporiser à travers une médiation. Mais les zadistes restent méfiants. « Une manœuvre plus habile que les précédentes pour tenter d’étouffer un profond conflit politique sous une logique d’évaluation technique », prévient le collectif Mauvaise troupe. Mais une préfète reste attachée à l’expulsion de la Zad qu’elle sépare de la question de l’aéroport.

Lutte emblématique

Le collectif Mauvaise troupe propose une présentation de la Zad à travers ses dernières luttes. L’occupation de ce territoire rural participe à la conflictualité sociale de la région nantaise. Cette lutte permet de mettre en cause la logique productiviste imposée par l’Etat et le capitalisme. Cette lutte locale reste ancrée sur un territoire précis mais soulève d’importantes questions politiques et écologiques.

Surtout, la Zad exprime la capacité de tout un territoire à tenir tête aux institutions. Cette lutte demeure victorieuse. Les habitants de Notre-Dame-des-Landes ne cèdent pas face à la pression policière et aux manœuvres politiciennes. Cette lutte apparaît donc comme un exemple de la possibilité de créer un rapport de force et une conflictualité permanente.

Le collectif Mauvaise troupe propose de présenter les aspects les plus intéressants de cette lutte. La participation au mouvement contre la loi Travail permet une remise en cause globale du capitalisme, au-delà de la seule question de l’aéroport. Le collectif Mauvaise troupe reste attaché au courant le plus radical de la Zad, qui tisse des liens avec d’autres luttes et valorise une forme de solidarité de classe.

En revanche, ce livre ne permet pas assez d’entrevoir les limites et les ambigüités de la lutte à Notre-Dame-des-Landes. Des habitants de ce territoire défendent surtout leur propriété et leur ferme. Même si de nombreux habitants se solidarisent de la Zad, la question de la propriété privée n’est pas posée. L’exploitation individuelle de la terre s’oppose à une démarche plus collective fondée sur l’entraide et la solidarité.

Ensuite, la Zad peut sombrer vers l’alternativisme. Le collectif Mauvaise troupe montre un espace en lutte. Mais le discours sur la désertion et l’alternative existe également. Certain-e-s zadistes se réfugient dans des cabanes en bois pour fuir la réalité du monde. Même si la logique capitaliste traverse tous les aspects du quotidien et les relations humaines. Le mode de vie alternatif de la Zad ne doit pas être idéalisé ou présenté comme un modèle de société. Mais il faut reconnaître que de nombreux zadistes font également le choix de la lutte plutôt que de la marginalité.


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