Les appels aux manifestations et « blocages » du 17 novembre contre la hausse des prix du carburant et les futures taxes sur le diesel annoncées par le gouvernement français, ont rapidement rencontré une forte audience parmi la population qui est obligée de se servir de son véhicule dans la vie de tous les jours.
Le mouvement ne s’est pas limité à la France mais il a touché aussi la Belgique. Il y a eu des affrontements avec la police sur un site pétrolier de Total à Feluy. Des débordements ont eu lieu à Charleroi et en région liégeoise. Quelques blocages de zonings industriels.
Le succès du mouvement a été sans aucun doute facilité par une couverture médiatique bienveillante (à la différence de ce qui se passe lors des mouvements ouvriers) ; il a été aussi facilité par le fait qu’il se présente comme étant issu de la base et l’expression du mécontentement de tous les « gens normaux », en dehors des partis et syndicats.
Cette mobilisation a suscité et suscite un écho indéniable parmi les prolétaires dont certains ont participé aux actions, y trouvant le moyen de manifester leur colère d’une façon plus immédiatement démonstrative et efficace qu’avec les sages manifestations et mouvements dirigés et contrôlés de bout en bout par les syndicats – qui débouchent régulièrement sur la défaite.
Mais ce n’est pas par hasard si le mouvement des Gilets Jaunes a été relayé et soutenu par les partis d’extrême droite (notamment à Courcelles, Libramont ou Philippeville-Couvin), Nation et Agir (ex FNB), bien qu’au final la présence de ces partis soit marginale sur le terrain.
Mouvement parti sur une revendication touchant « tout le monde », il affirme être l’expression du « peuple », en dehors non seulement des partis et syndicats, mais aussi au-dessus des classes. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir le drapeau national flotter sur les barrages ou de voir ceux-ci appeler la police à les rejoindre.
Un tel mouvement de contestation interclassiste, initié au départ par de petits patrons, ne suscite pas l’hostilité des médias et il attire inévitablement les forces de la droite extrême ; même quand il manifeste une opposition virulente à la politique gouvernementale et aux grandes entreprises capitalistes (trusts pétroliers, etc.), il ne peut avoir qu’une orientation bourgeoise. Les prolétaires qui participent au mouvement ne le font qu’à titre individuel ; n’étant pas organisés sur une base indépendante, ils ne peuvent défendre leurs intérêts spécifiques d’exploités – c’est-à-dire contre l’exploitation capitaliste : ils se retrouvent noyés dans une lutte commune avec des petits patrons, commerçants, artisans, libéraux, etc., qui eux, évidemment, défendent mordicus le capitalisme !
La plupart du temps, comme on pouvait s’y attendre les organisations syndicales collaborationnistes ont réagi face au mouvement en défenseurs zélés de l’ordre établi. Elles ont condamné les Gilets Jaunes, non pas au nom de l’indépendance de classe ( !), mais parce qu’ils ne respectent pas les bonnes manières de la collaboration des classes.
Sur les réseaux sociaux, JF Tamellini, secrétaire fédéral du syndicat FGTB, a, lui, une illumination soudaine : « en visant des points stratégiques de l’économie, les gilets jaunes nous montrent qu’on peut faire mal au gouvernement et au grand patronat »...
Tous mettent soigneusement de côté le point central pour la défense des intérêts prolétariens : l’indépendance de classe.
Pour bloquer le capitalisme : la lutte indépendante de classe !
Une lutte interclassiste, où les prolétaires sont inévitablement soumis aux intérêts d’autres classes, peut bien obtenir des succès ; elle peut bien réussir des milliers de blocages ponctuels, elle ne réussira jamais à bloquer le capitalisme. Seule la lutte indépendante de classe, la lutte pour les intérêts de classe des prolétaires peut y arriver ; en effet ce sont les prolétaires qui ont seuls la force potentielle de faire échec au capitalisme car celui-ci ne vit que de leur exploitation. Lutter contre cette exploitation, c’est lutter contre le capitalisme, y mettre fin, c’est mettre fin au capitalisme !
En se mettant en lutte sur cette base, y compris pour des combats d’abord inévitablement partiels et limités, les prolétaires ont la capacité de faire reculer les capitalistes et leur Etat. Pour cela ils ne doivent pas se laisser noyer dans des rassemblements interclassistes où se dilue leur force de classe. Il leur faut s’organiser sur des basses classistes pour les luttes de résistance quotidienne contre les attaques patronales, luttes pas seulement contre les taxes et impôts, mais spécifiquement pour la défense de leur salaire et de leurs conditions de vie et de travail ; il leur faut aussi s’organiser sur le plan politique pour la lutte plus générale, anticapitaliste et révolutionnaire. Face aux petits bourgeois qui se vantent de refuser toute organisation de parti ou de syndicat, ils doivent se rappeler que, comme disait Le Manifeste Communiste, la lutte implique l’organisation en classe donc en parti.
Alors, quand s’enracinera cette organisation, il sera possible d’entraîner les couches petites bourgeoises, ou une partie d’entre elles, dans le combat contre le capitalisme, au lieu d’être entraîné à leur remorque vers une issue qui ne peut être qu’anti-prolétarienne (1).
L’ampleur du mouvement des Gilets Jaunes est un révélateur des tensions sociales à l’œuvre et elle annonce aussi les futures tempêtes sociales. Dans la période qui vient les prolétaires seront poussés à entrer en lutte pour réagir aux coups redoublés du capitalisme : il leur faudra le faire sur leurs propres bases et pour leur propre compte pour ne pas être encore une fois battus.
Pour la lutte et l’organisation indépendantes de classe !
Pour la reconstitution du parti de classe internationaliste et international !
Pour la reprise de la lutte révolutionnaire anticapitaliste !
Parti Communiste International
(1) Voir la collaboration des Gilets Jaunes avec la police pour arrêter des migrants lors d’un barrage dans la Somme, France, le 19/11.
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