Il y a deux mois, les habitants de Gaza commémoraient la Naqba (« catastrophe » en arabe). En manifestant pendant plusieurs semaines à la frontière avec Israël, plus d’une centaine d’entre eux trouvaient la mort, et plusieurs centaines étaient blessés par les balles israéliennes.
Il y a deux mois vous nous posiez de nombreuses questions sur cette « Marche du retour » : « Qui compte les victimes ? » ; « Est-ce que la nouvelle ambassade américaine est en territoire occupé ? » ; « La vidéo des cadavres gazaouis qui bougent est-elle vraie ? »
Il y a deux mois, vous nous demandiez aussi : « Combien de Français servent aujourd’hui dans l’armée israélienne ? Y a-t-il un recrutement actif de la part de Tsahal en France ? »
Il y a deux mois, quand nous commencions à traiter ce sujet, un connaisseur français de l’armée israélienne nous prévenait : « Vous aurez du mal à obtenir des infos, c’est hautement tabou des deux côtés. » Prédiction confirmée par le Ministère des affaires étrangères français, qui nous explique quelques jours plus tard « ne pas disposer d’informations sur le nombre de Français au sein de l’armée israélienne. » Les ambassades française en Israël, israélienne en France ainsi que le Quai d’Orsay, assurant ne pas avoir de chiffres, nous ont unanimement renvoyés vers Tsahal.
2% au moins du total de l’armée
À force de relances, nous avons obtenu réponse du porte-parolat des forces armées israéliennes : « 4185 soldats en service régulier ont la citoyenneté française. » Le nombre est peut-être minoré, car l’armée ne compte que les personnes qui ont déclaré leur nationalité française.
La nationalité française est la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les rangs de Tsahal, après la nationalité américaine. Les citoyens français ou franco-israéliens engagés dans les forces armées israéliennes représentent entre 1,7% et 3,5% des effectifs totaux.
En 2011 ce total était estimé à 176 500 soldats, selon l’Institut national des études de sécurité, rattaché à l’université de Tel-Aviv. Un chiffre « inférieur à la réalité », assure la grande muette israélienne sans en dire plus.
Service obligatoire
Une fois leur majorité atteinte, tous les Israéliens et toutes les Israéliennes sont tenus d’effectuer un service militaire long d’au moins deux ans.
Les binationaux, eux, « sont obligés d’effectuer leur service s’ils vivent en Israël quand ils atteignent l’âge de 18 ans », nous explique Tsahal. Les personnes possédant la nationalité israélienne mais ne vivant pas en Israël y sont également fortement invitées, mais peuvent y échapper si elles le justifient.
La seule possibilité de s’engager sous les drapeaux pour des personnes non-israéliennes ou ne vivant pas de longue date en Israël est de passer via des programmes comme « Mahal ». Il n’est pas obligatoire d’être juif pour être soldat en Israël, mais les volontaires de Mahal (qui n’ont pas la nationalité israélienne) doivent posséder un parent ou un grand-parent juif, selon le site de l’armée israélienne. Dans un article de 2014 sur le sujet, Orient XXI constatait que si les armées de plusieurs pays ouvraient leurs portes à des étrangers (comme la France avec la Légion), seul Israël le faisait « sur l’unique critère ethno-religieux ».
Le chiffre de 4185 que nous évoquions, qui représente environ 2% ou 3% des forces armées israéliennes, comprend à la fois les volontaires de Mahal (qui n’ont que la citoyenneté française) et les binationaux, en service militaire obligatoire ou membres de l’armée de métier.
« Tsahal parle français »
Dans un article de 2014 consacré aux soldats français partant effectuer leur service en Israël, L’Obs relevait :
Le 26 mai dernier, en fin d’après-midi, un officier de Tsahal a ainsi donné une conférence sur la politique de recrutement à la grande synagogue de la Victoire, dans le 9e arrondissement de Paris. Avec possibilité d’« organiser des rendez-vous » pour les « questions personnelles », comme précisé sur le site de l’ambassade d’Israël.
L’armée israélienne a déjà réalisé plusieurs vidéos de promotion visant un public francophone. Dans « Tsahal parle français » (2012), la voix off lance : « Nous avons besoin de votre soutien. » Et les soldats face caméra de renchérir : « Faites passer le mot, on compte sur vous ! » Et dans « Tsahal apprend le français » (2017), sur fond de musique dansante, une succession de jeunes gens non francophones s’essayent péniblement, en uniforme et avec le sourire, à parler français (pour souhaiter une « bonne semaine » à l’internaute).
Enfin, sur le site du ministère de la Défense israélien, dans un communiqué d’août 2017 consacré aux volontaires de l’étranger, un responsable du ministère se félicite des « efforts pour encourager la mobilisation de la diaspora ».
Malgré ces indices, Tsahal répond catégoriquement à votre deuxième question : « Les forces armées israéliennes n’ont pas de centre de recrutement, ou de politique active de recrutement en France. » Au consulat israélien en France, une personne est quand même chargée de traiter les questions liées à Tsahal et à l’engagement sous les drapeaux israéliens. Au cas où.