lieu : L'Empreinte Belge
adresse : 69, rue des Carmes, Namur

(UDTR) Débat : de la Boum à l’abîme.

Dans le cadre de l’Université des Terres, l’Empreinte Belge accueille un débat autour de la Boum.

🕒 15H00 : De la BOUM à l’Abîme, débat
🕡 18h30 : Mercredi Spaghetti, table d’hôte

« Spectacle troublant de voir ces états bardés de fer, si vains de leur monopole de tout pouvoir, tellement vulnérables aux assauts.(...) Si les masses étaient aussi transparentes, aussi moutonnières, jusque dans leurs derniers atomes, que le prétend la propagande, il ne faudrait pas plus de policiers qu’un berger a besoin de chiens pour mener son troupeau. Il n’en est pas ainsi, car des loups se dissimulent au sein de ce moutonnement grisâtre : c’est-à-dire des natures qui savent encore ce qu’est la liberté. Et les loups ne sont pas seulement, par eux-mêmes, pleins de force : le danger subsiste qu’ils communiquent leurs passions à la masse, par quelques matins de défaite, changeant le troupeau en horde furieuse.
Tel est le cauchemar des potentats. » - Ernst Junger, « Traité du rebelle ou le Recours aux forêts. »

Dans ce pays où tout finit en foire, surtout ce qui se veut politique, on ne s’étonnera pas que ce soit la fête et ses agrégats humains incontrôlables qui firent le plus peur aux agents de la gouvernementalité sanitaire. Ce qui s’est joué à LA BOUM était bien plus qu’un simple désir de fête. Le carnaval sauvage à Bruxelles avait déjà réussi à rappeler ce fait simple : toute fête est une dialectique avec le pouvoir. De la fête nationale où l’on sort les débris à peine restaurés d’une nation agonisante aux fêtes consuméristes de fin d’année où l’on vous interdit de ne pas faire la fête – en passant par le mouvement free party qui se réapproprie lieux et espaces en dépit de toute légalité – c’est le pouvoir et le rapport au pouvoir qui est au cœur de la fête puisque celle-ci, comme la manifestation ou la compétition sportive – qui sont aussi des fêtes - est l’expression d’un certain agencement des corps dans l’espace et dans le temps.

La nuit sanitaire s’était chargée de rappeler aux corps esseulés non seulement le désir qu’ils avaient d’être ensemble – mais le besoin même de faire se frotter entre elles terminaisons nerveuses et regards, effluves et rires - là où la fête jadis se présentait avant tout comme une forme du maintien de l’ordre. Il s’agissait de s’abrutir le week-end pour mieux supporter les aliénations de la semaine.
Mais les corps aux entrailles nouées d’un trop long confinement furent mus par le désir d’orgie et cherchèrent à retrouver la passion de se retrouver.

Intuition géniale ou hasard potache, la BOUM s’est trouvée être le lieu d’une telle passion – passion qu’aucune revendication politique n’avait jusqu’alors réussi à coaliser. Ce fut une fois encore une belle leçon offerte aux spécialistes de la contestation et à la gauche décomposée dont le visage autoritaire est étrangement sans masque depuis que la gouvernementalité sanitaire nous oblige à en porter.

Intuition géniale ou hasard potache, il se trouve que c’est sur le désir d’orgie et de joie que se sont coalisés les lassées de la civilisation du confinement – et que plusieurs milliers de personnes prirent part aux événements du bois de la Cambre.
Le bois de la Cambre, quelque semaine avant la BOUM commençait déjà à devenir le symbole de cette volonté de retrouver les libertés simples qui font la vie douce : l’embrassade et la rencontre, l’ivresse et la communion. Il s’agissait d’éclater les bulles et déjà les médias taisaient ce qui se passait alors : tandis qu’un journaliste de la RTBF expliquait en direct à la télévision, un soir, que la police avait simplement dispersé les fêtards, on pouvait voir derrière lui un gamin placer une barrière nadar entre la police et ses camarades. Cette foule scandait « tout le monde déteste la police ». Ils avaient entre 16 et 30 ans, s’étaient regroupés quelques minutes plus tôt pour danser sous les drones, les gyrophares. Hurler à tue-tête « liberté ». Danser encore. Se câliner. S’embrasser. S’agréger puis se désagréger pour se ré agréger encore.

Le pouvoir désormais avait rendu inévitable le fait que toute fête d’ampleur se transforme désormais en manifestation sauvage. Et vint la rumeur réjouie :

« Tu viens au bois de la cambre le premier avril ? »
« Évidement. ».

Il avait suffi d’une blague. Il avait suffi de se moquer et de rire du pouvoir pour faire renaître, enfin, du politique. Un collectif sans visage et sans revendication venait de s’offrir un coup subversif – situationniste et surréaliste. Ce fut, comme qui dirait, un très sérieux poisson d’avril.

Ce sérieux poisson aura d’ailleurs donné aux agents non élus de la gouvernementalité sanitaire, au parti unique au pouvoir, le parti de la métropole, quelques arêtes à ôter de leur bouche.

Sparring-partner d’une telle comédie, les agents de la gouvernementalité sanitaire réussirent un tour de force : celui de faire du bois de la cambre une ZONE A DÉFENDRE. Non qu’ils comptassent abattre ces bois bien utiles aux agréments de leurs enfants et de leurs petits enfants, mais, en y réprimant la fête, ils en ont fait ce lieu où se revendique et s’applique une certaine idée de la liberté.

Ce furent d’étranges sabbats moqués et loués, déformés et adulés, mais dans tous les cas, ce fut le retour du dissensus.

Mais hélas, tout cela a fini en foire. Bien entendu, tout cela fut défait. De la BOUM à l’abîme il n’y avait qu’un pas à faire : et ce pas était toujours le même. On ne surprend pas les forces et de l’ordre éternellement. À nouveau, l’événement n’eut pas lieu : sous la butte du lion à Waterloo l’Empire fut vainqueur.

Retour à la foire.

Nous voici à présent plus ou moins déconfinés : la fête a retrouvé son caractère de maintien de l’ordre. ON fait comme si rien ne s’était passé.

Enfin, tant est que les deux premières BOUM furent l’occasion d’un dissensus sans phrase et sans revendication. L’image renversée d’une époque où phrases et revendications se noient dans le Spectacle.

Des travaux de Carl Shmitt aux théories de Chantal Mouffe qui s’en inspirent, les différentes BOUMS furent ce moment de partage entre amis et ennemis que théorise le premier, ce moment de dissensus, d’agonistique qui, pour la seconde fonde les démocraties.

Que reste-t-il de la Boum ? Quels effets politiques directs et de long terme ont causées ces fêtes sauvages ?

Nous en discuterons avec le philosophe André Bostaille qui a réalisé pour la Presse Sauvage 2 de Namur-Sambre quelques textes sur la démocratie, et qui la place justement furieusement dans la possibilité du dissensus.

Facebook : https://www.facebook.com/events/4446079738750088/


publié le 7 août 2021