Aperçu sur la Syrie

Le régime El Assad ou la main de fer au service du développement capitaliste

A son arrivée au pouvoir en novembre 1970, sur la sinistre vague du « septembre noir » palestinien, Hafez el Assad fut fêté en sauveur par les artisans et les marchands du souk de Damas mobilisés par la bourgeoisie urbaine (1) : il représentait en effet la victoire de la fraction du parti Baas défendant plus particulièrement les intérêts de la bourgeoisie commerçante, principalement damascène.

Le mouvement dit de « rectification » se traduisit donc immédiatement au niveau de la politique économique : l’intervention de l’Etat dans l’économie pour développer une base industrielle ne disparut pas avec le nouveau régime, mais elle s’accompagna de la levée de restrictions du commerce extérieur, de la restitution de certains biens nationalisés, de mesures d’encouragement au rapatriement des capitaux, de facilités de crédit aux entreprises privées, etc. ; la conséquence en fut la forte augmentation de la part du secteur privé dans l’économie (2), en même temps que se dessinait une première ouverture aux investissements étrangers.

Sur le plan politique un « Front National Progressiste » (FNP) regroupant différents partis (« communistes », nassériens, socialistes arabes...) qui acceptaient de se subordonner au parti Baas, était constitué pour donner une façade de pluralisme et élargir la base politique d’un régime répressif et autoritaire qui, au fil des années, s’appuiera de plus en plus sur les liens communautaires alaouites pour se protéger.

Mais dans un premier temps, c’est l’idéologie nationaliste arabe qui était exaltée, selon la classique tradition baasiste.

La participation aux côtés de l’Egypte à la guerre d’octobre 1973 contre Israël se solda par une nouvelle défaite militaire arabe, mais par une victoire politique du régime syrien ; Hafez El Assad put se glorifier auprès de la population comme auprès des autres Etats arabes non seulement que les troupes syriennes parties à la reconquête du plateau du Golan perdu dans la guerre de 1967, avaient vaillamment tenu tête aux Israéliens, mais qu’à la différence de l’égyptien Sadate, il refusait de signer une paix séparée avec l’ennemi.

En conséquence, alors que l’Egypte était exclue de la Ligue Arabe (organisation regroupant tous les Etats arabes), la Syrie recevait une aide importante des Etats enrichis par la hausse des prix du pétrole qui lui permettra de surmonter les destructions des bombardements israéliens et de connaître un redémarrage de la croissance économique et du développement industriel (3). Mais dès 1975-76 la croissance laissait place à une crise économique (en phase avec la crise de économique mondiale), aggravée par l’arrêt des versements de l’Arabie Saoudite début 1976.

La réactionnaire opposition islamiste, expression de heurts d’intérêts bourgeois

La forte inflation et la progression du chômage, causée notamment par la crise de la production de coton, alors que la généralisation de la corruption et l’enrichissement rapide d’une poignée d’affairistes provoquait la colère de larges couches de la population, débouchèrent sur une série de manifestations et d’émeutes à Hama, Alep et Homs, durement réprimées par l’armée (4).

Entre-temps la guerre civile avait éclaté au Liban et le premier juin 1976 les troupes syriennes intervenaient dans ce pays pour empêcher la victoire des combattants du camp dit « palestino-progressiste ». Renforcées par l’appui syrien, les troupes phalangistes chrétiennes purent passer à l’offensive, s’attaquant en particulier au « camp » de Tall el Zatar qu’ils remportèrent après 52 jours de combat, y massacrant près de 3000 civils...

L’intervention militaire syrienne avait reçu l’aval, implicite ou explicite, de l’impérialisme américain et des Etats bourgeois de la région (Israël avait donné son feu vert à la condition que les troupes syriennes n’aillent pas jusqu’à sa frontière, c’est-à-dire au sud-Liban) (5) : une victoire des combattants palestiniens réfugiés au Liban et de leurs alliés, aurait risqué en effet de déstabiliser l’ordre impérialiste régional. Une nouvelle fois Hafez El Assad, le représentant du soi-disant « Front du refus » contre Israël et l’impérialisme, agissait donc, avec l’accord d’Israël, au service de l’impérialisme international en s’attaquant aux Palestiniens !

La présence militaire syrienne au Liban allait durer pratiquement trente ans (6), constituant une véritable rente pour la bourgeoisie et la hiérarchie militaire syriennes (7) qui allaient y multiplier les affaires de toutes sortes. Mais dans un premier temps elle aggrava les difficultés économiques et politiques internes. Une vague d’assassinats politiques marqua la fin des années 70 ; elle fut d’abord imputée par les autorités syriennes à l’Irak, avant qu’elle ne soit attribuée aux Frères Musulmans (ou à une fraction issue de ce mouvement). Le régime y répondit avec sa férocité coutumière ; outre la création de forces militaires lourdement armées spécialisées dans l’écrasement des troubles urbains, des milices armées, recrutées en priorité parmi les membres alaouites du Baas, chargées de la répression furent mises sur pied dans tout le pays. Ces véritables escadrons de la mort se rendirent responsables de divers massacres.

Alep, qui est la plus importante ville industrielle et commerciale du pays, fut le théâtre à partir de 1979 de nombreuses manifestations, attentats et assassinats après l’arrestation d’un chef religieux opposé au régime ; en dépit de la répression, une grève des commerçants éclata en mars 1980 et la fermeture du quartier des affaires dura pendant 2 semaines. A l’appel des Islamistes, la contestation s’étendit à d’autres villes et même Damas semblait sur le point d’emboîter le pas. Dans cette situation grosse d’incertitudes pour le régime, le président des Chambres de commerce syriennes rallia les gros commerçants de Damas pour qu’ils prononcent publiquement leur soutien au gouvernement, faisant échec à l’extension du mouvement : la bourgeoisie damascène manifestait ainsi son appui au régime d’Hafez el Assad, dont elle avait beaucoup plus profité que la bourgeoisie d’autres régions.

Rassuré sur la situation dans la capitale, le gouvernement put mobiliser plusieurs milliers de soldats et des centaines de blindés qui, après avoir arrêté et massacré près de deux cent personnes dans la localité de Jisr al Shugur où des manifestants avaient attaqué le siège du Baas, instaurèrent un régime de terreur à Alep pendant près d’un an. Le nombre de morts a été estimé à 2000, auxquels il faut ajouter un nombre indéterminé de personnes arrêtées, brutalisées, torturées.

Les attentats continuèrent cependant, touchant même la capitale. En juin 81 après une tentative d’assassinat contre Hafez el Assad, près de 550 détenus accusés d’être membres ou sympathisants des Frères Musulmans furent en représailles tués de sang froid dans les cellules de la prison de Palmyre.

Le massacre de Hama

Mais à Hama, en février 1982, le régime fut confronté pour la première fois à une véritable insurrection : quelques centaines d’insurgés prirent d’assaut les postes de police et bâtiments officiels et se rendirent maîtres de la ville. Plus de 10 000 soldats furent alors envoyés pour écraser les insurgés qui se retranchèrent dans les vieux quartiers aux ruelles inextricables. Les combats durèrent 3 semaines et la répression particulièrement sauvage fit peut-être de 10 à 25 000 victimes (soit près du dixième de la population de la ville !) (9), beaucoup d’entre elles, souvent des familles entières, ayant été exécutées sans jugement. Nombre de personnes emprisonnées disparurent à jamais.

La révolte de Hama, et plus généralement les troubles de cette période, sont le plus souvent présentés comme une insurrection confessionnelle, comme un lutte d’essence religieuse. Mais si la révolte contre le régime s’est faite derrière le drapeau de l’islamisme, de la lutte contre la secte des Alaouites et/ou du nationalisme antisioniste, il s’agissait en fait d’un conflit entre fractions bourgeoises.

« Ce n’est pas tant Hama “la Pieuse” qui se soulève contre le laïcisme du Baas, que les grandes familles d’industriels de la ville, ruinées par les usines d’Etat (...). Et si Alep devient l’épicentre du mouvement islamiste, c’est en partie parce que sa bourgeoisie a particulièrement souffert de la réforme agraire et que la capitale du Nord s’est vue davantage marginalisée par Damas, sa rivale. Les élites traditionnelles des grandes ville sunnites, Alep, Homs et Hama, qui sont derrière les manifestations urbaines depuis 1971, sont les alliés objectifs des Frères [musulmans]. Elles leur fournissent les fonds et les armes », écrit une spécialiste de la Syrie (10). Il faut ajouter que les ingérences extérieures pour soutenir ces mouvements de révolte sont plus que probables (11).

Mais ce qui est le plus important de relever, c’est que, grâce à l’idéologie religieuse, les forces bourgeoises régionales lésées par les orientations économiques du régime purent détourner et mobiliser à leur profit le mécontentement de larges secteurs de la petite-bourgeoisie et des couches paupérisées de la population urbaine.

La classe ouvrière, étroitement muselée dès l’origine avec l’appui des prétendus « communistes » par le régime baasiste qui interdit le droit de grève et le droit d’organisation syndicale indépendante (code du travail de 1985), n’était absolument pas en mesure de se manifester comme une force autonome, et encore moins comme une force de classe combattant le capitalisme – ce qui aurait été la condition pour réduire l’influence de l’Islamisme réactionnaire sur les masses en s’appuyant sur le mécontentement général pour se mettre à la tête de la lutte contre un régime haï. C’est la situation qui se répète malheureusement trente ans plus tard...

Le massacre de Hama marqua la fin de l’opposition islamiste au régime et même pratiquement de toute opposition (si l’on excepte la tentative malheureuse de Rifaat el Assad de s’emparer du pouvoir à l’occasion de la maladie de son frère Hafez), alors même que la Syrie connaissait une grave crise économique à partir de 1986. Virtuellement en faillite, l’Etat se trouva incapable de payer ses dettes alors qu’il devait faire face à d’importantes dépenses militaires, la moitié du budget y étant consacré : il fut obligé de faire appel au FMI.

Ce seront finalement le développement de la production pétrolière, devenue première ressource d’exportation syrienne, puis l’enrôlement de la Syrie dans la coalition américaine lors de la première guerre américaine contre l’Irak, qui permettront un redémarrage de la croissance économique au début des années quatre-vingt dix. Les aides financières de l’Arabie Saoudite (où des troupes syriennes protégeaient les installations pétrolières) et des pays du Golfe, une ouverture (limitée) aux investissements étrangers et des mesures de libéralisation économique, firent plus que compenser la perte de l’allié soviétique : un véritable boum économique s’en suivit, avec une croissance du PIB de l’ordre de 10% par an pendant quelque temps. Mais ce n’était qu’un feu de paille ; à partir de la deuxième moitié des années quatre-vingt dix, la croissance ralentit et l’économie entra en récession lors de la chute des prix du pétrole. Au point qu’un rapport officiel du nouveau gouvernement installé par Bachar el Assad, pouvait écrire que les années 1997-2003 avaient été des « années perdues » pour l’économie syrienne.

Les illusions du « printemps de Damas »

L’accession au pouvoir de Bachar el Assad à la mort de son père en 2000 fut suivie d’une libéralisation politique, sans aucun doute limitée, mais qui tranchait avec la période précédente ; pour la première fois des critiques des orientations économiques du régime paraissaient dans la presse officielle, les partis membres du FNP étaient autorisés à avoir une certaine indépendance, la lutte contre la corruption était une nouvelle fois annoncée, etc. Une centaine d’intellectuels signèrent une déclaration publique demandant la levée de l’état d’urgence, la libération des prisonniers politiques, le pluralisme politique, des forums de discussion s’organisaient parmi l’intelligentsia...

Il ne fallut pas longtemps pour que se dissipe l’illusion du démocratique « printemps de Damas » vanté par les médias internationaux ; dès que Bachar eut consolidé son pouvoir, les services de sécurité arrêtèrent les intellectuels et les opposants démocrates qui avaient mordu à l’hameçon !

Cependant pour l’impérialisme, autrement plus importantes étaient les perspectives de « réformes économiques » et d’ouverture aux capitaux internationaux que mettaient en avant la nouvelle équipe.

Chirac, en porte-parole d’un impérialisme français qui ne peut rester à l’écart d’une région où il a toujours d’importants intérêts, se proposa de jouer le rôle d’introducteur du jeune président syrien auprès des puissances capitalistes européennes ; un accord d’association économique avec l’Union Européenne, en discussion depuis des années, qui prévoyait la libéralisation de l’économie syrienne, fut paraphé ; des spécialistes français furent chargés de réaliser un « audit » des structures économiques étatiques de la Syrie en vue de leur réforme et de leur privatisation ; la concession d’un important gisement gazier fut promis à Total (qui était déjà présent dans le pays dans l’extraction pétrolière), etc.

Mais là aussi les perspectives d’ouverture se révélèrent vite illusoires ; les mesures de privatisation et de libéralisation économiques se firent essentiellement au profit de capitalistes locaux, l’accord avec l’Union Européenne n’entra jamais en application et la concession gazière échappa à Total (12).

Ulcéré, l’impérialisme français, qui se heurtait en outre aux intérêts syriens au Liban (par exemple à propos de l’éventuelle privatisation du port de Beyrouth), incita le premier ministre libanais Hariri à déposer avec la France et les Etats-Unis une motion au Conseil de sécurité de l’ONU pour exiger le retrait des troupes syriennes au Liban. La réponse de Damas ne se fit guère attendre : quelques mois plus tard, en février 2005, le milliardaire Hariri, « ami personnel » de Chirac, lié à l’Arabie Saoudite et qui avait été intronisé par la Syrie avant de devenir son opposant, était tué dans un attentat (13). Toutefois les pressions américaines, européennes et saoudiennes furent telles qu’elles contraignirent la Syrie à mettre fin à sa présence militaire au Liban - ce qui ne signifiait pas la fin de son influence multiforme sur ce pays, mais l’affaiblissait cependant.

Ostracisée par les Etats-Unis sous l’administration Bush à cause de son soutien au régime de Saddam Hussein et à son alliance avec l’Iran, en butte pour les mêmes raisons à l’hostilité de l’Arabie Saoudite et de l’Europe après l’assassinat de Hariri, la Syrie, abandonnant au passage sa revendication territoriale historique sur la région d’Antioche (Alexandrette) donnée à la veille de la deuxième guerre mondiale par la France à la Turquie, s’est alors tournée vers le gouvernement d’Ankara, dont les rapports avec Israël s’étaient de plus en plus dégradés. Elle a également accru ses liens économiques avec la Chine et le Qatar.

Mais ses principaux soutiens restent l’Iran qui, à travers l’Irak chiite, a un accès par la Syrie à la Méditerranée et au commerce mondial ; et la Russie qui dispose sur la côte syrienne de sa seule base militaire navale en Méditerranée et de sa dernière au Moyen-Orient. Inexorablement évincée au cours des dernières décennies de ses positions dans la région par l’impérialisme américain, avec la perte de cette base, si limitée soit-elle, la Russie serait pratiquement rejetée au rang de puissance bloquée dans la Mer Noire, sans plus aucun accès facile aux « mers chaudes » !

En ce qui concerne l’impérialisme français, la posture de confrontation avec le régime d’el Assad suivie par Chirac était de plus en plus critiquée dans les cercles impérialistes intéressées à la région, peut-être alarmés par le fait que l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne s’emparaient de parts du marché syrien perdues par la France, mais surtout désireux d’arriver à un accord avec la Syrie au Liban. Aussi, dès son élection à la présidence, Sarkozy entreprit de renouer avec Damas, d’abord sur le plan de la coopération policière anti-islamiste, ensuite sur la question libanaise (accords dits de Doha sous l’égide du Qatar pour la formation d’un gouvernement libanais d’ « union nationale ») et enfin pour l’intégrer dans son fumeux projet impérialiste d’ « Union pour la Méditerranée ».

« Même s’il n’y avait pas de Syriens, il y aurait un problème syrien » a écrit un historien souvent cité (14). La position géo-stratégique de la Syrie lui confère une importance dans la politique régionale et mondiale de l’impérialisme sans rapport avec son poids économique propre et quel que soit le régime en place.

C’est pourquoi dans la guerre civile actuelle, comme dans toutes les crises précédentes, les puissances capitalistes locales et internationales ne peuvent manquer d’intervenir pour pousser leurs pions et faire avancer leurs intérêts. C’est ce qu’a fait et ce que fait l’impérialisme français en misant sur la chute du régime qu’il venait de courtiser, comme il l’avait déjà fait en Libye. Et c’est aussi ce qu’a fait et fait la Turquie, rompant avec un régime qui se révélait incapable de maintenir l’ordre sur son territoire : à plusieurs reprises le gouvernement d’Ankara a menacé d’une intervention militaire, en particulier au cas où les Kurdes de Syrie devenaient indépendants. Et si la situation en Syrie évoluait vers un chaos « incontrôlable » pour l’impérialisme, la Turquie, renouant avec l’ancienne domination ottomane, serait la seule puissance à même d’envoyer des troupes pour rétablir le talon de fer de l’ordre bourgeois...

Quelle que soit l’issue à court terme de la tragédie syrienne actuelle, même si par extraordinaire un accord négocié sous l’égide de l’impérialisme mondial entre l’opposition et le régime mettait fin aux combats, tant que le prolétariat n’aura pas renversé le capitalisme international, la Syrie et plus généralement le Moyen-Orient resteront une zone de tempête, un foyer de tensions toujours prêtes à exploser et à donner naissance à des affrontements violents et à des guerres entre les diverses puissances capitalistes, régionales et mondiales, dont les masses exploitées et opprimées sont toujours les victimes.

(A suivre)

(1) cf Caroline Donati, « L’Exception syrienne », Ed. La Découverte 2009, p. 60.

(2) Bien que la plupart des nouvelles entreprises privées industrielles étaient de petite ou très petite taille, le secteur privé réalisait en 1972 plus du tiers de la production industrielle et employait 62% de la main d’oeuvre du pays. cf Fred H. Lawson « Why Syria goes to war », Cornell University Press 1996, p. 79.

(3) Les Etats arabes s’engagèrent à fournir à la Syrie une aide d’un milliard de dollars par an, qui servit, outre à la reconstruction, à la création de grands établissements industriels. Comme cela arrive dans ce genre de situations, il s’agit souvent d’ « éléphants blancs » improductifs qui enrichissent surtout les multinationales qui les fournissent et les intermédiaires locaux. Les cas les plus célèbres en Syrie de ces désastres pour les finances syriennes ont été une usine de pâte à papier construite par un consortium italo-autrichien et une usine d’ammoniaque construite par la firme française Creusot-Loire. cf Patrick Seale, « Assad. The struggle for the Middle East », IB Tauris and co., 1990, p. 448.

(4) cf Fred. H. Lawson, op. cit., p. 83-93.

(5) Cet accord d’Israël, dit de la « ligne rouge », fut défini dans une lettre à Kissinger, qui le transmit à Damas. cf Patrick Seale, op. cit., p. 279-280. Israël voulait avoir les mains libres au sud Liban, mais la conséquence est que les réfugiés palestiniens y instaurèrent un véritable « Fatahland ». Lorsque les troupes israéliennes envahirent le sud Liban en 1982 pour y mettre fin, les troupes syriennes, respectant à la lettre l’accord de 1976, ne bougèrent pas le petit doigt pour venir au secours des Palestiniens. Mais cela n’empêcha pas les Israéliens de les attaquer dans le but de les refouler du Liban où ils voulaient installer un régime à leur botte. Les Américains durent s’y prendre à plusieurs fois pour imposer aux troupes de Sharon l’arrêt de leurs attaques contre les Syriens.

(6) Les troupes syriennes se livrèrent à différentes attaques, tantôt contre les Chrétiens, tantôt contre les « Palestino-progressistes » avant que leur présence soit définitivement acceptée. En février 1987, elles pénétrèrent dans Beyrouth Ouest avec la bénédiction impérialiste pour empêcher que les combats entre les « partis progressistes » et les Chiites d’Amal ne débouchent sur une situation « incontrôlée ».

(7) Selon certaines estimations, les bourgeois syriens retiraient, de façon directe ou indirecte, près de 2 milliards de dollars par an de la présence syrienne au Liban (Libération, 29/4/2005). Une dépêche de l’AFP du 2/3/2005 estimait ces prélèvements à seulement 750 millions de dollars. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de doute que cela représentait une véritable manne pour certains secteurs de la bourgeoisie et de la hiérarchie militaire syrienne engagés dans toute une variété de trafics.

(8) cf Nikolaos Van Dam, « The struggle for power in Syria », IB Tauris, 2011, p. 105-112 ;

(9) Le gouvernement syrien réussit à empêcher que circule l’information sur le massacre de Hama. On peut consulter sur internet une brève histoire à www. massviolence.org/Article ?id_article=139. Des informations ont fait état du refus de soldats à obéir aux ordres, et même à des désertions pour rejoindre la rébellion (cf Seale, op. cit., p. 133). Mais les Frères Musulmans affirmèrent que les troupes envoyées écraser l’insurrection avaient été triées pour ne pas que s’y trouvent des soldats originaires de la région et pour que les officiers soient très majoritairement alaouites afin d’empêcher tout refus d’obéissance (cf Van Dam, op. cit. p. 114-115).

(10) cf Caroline Donati, op. cit., p. 91. Elle écrit aussi que la charte des Frères Musulmans publiée en 1980 « reflète les intérêts de la petite et moyenne bourgeoisie » : « Priorité à la propriété et au secteur privés, liberté économique pour les marchands et artisans, protection de l’Etat pour les petits entrepreneurs ». Les cadres du mouvement islamiste sont des religieux (oulémas) issus de familles commerçantes ; « à côté d’eux se trouvent des éléments de la petite bourgeoisie marchande des souks, marginalisés par les nouveaux entrepreneurs, pénalisés par la politique de modernisation des grandes installations industrielles du secteur public autour d’Alep et de Hama (...) gênés enfin par les interventions de l’Etat dans le commerce ».

(11) Les Irakiens, qui voulaient faire payer au régime syrien son soutien à l’Iran dans la guerre en cours, relayèrent à la radio les appels des Islamistes à la généralisation de la révolte. Les autorités de Damas mirent en cause les Etats-Unis et Israël, tandis qu’à Paris certains journaux parlèrent de soutien français aux Islamistes syriens, en représailles d’attentats syriens...

(12) Selon l’économiste Samir Aita, l’éviction de Total est généralement considéré comme la principale cause du conflit politique entre la Syrie et la France au cours de ces années. cf « La Syrie au présent », Actes Sud, 2007, p. 571.

(13) Mais selon le journal économique américain Fortune, l’assassinat de Hariri serait lié au scandale de la faillite de la banque libanaise Al Madina qui abritait des intérêts syriens. cf Fortune Magazine, 11/5/2006.

(14) cf. Albert Hourani, « Syria and Lebannon. A political essay », Oxford University Press, 1946, p. 6.

Parti communiste international
http://yemektarifim7.com/Peynirli-Tavuk-Tarifi.html


publié le 13 mai 2013