ISRAEL REFUSE SA PROPRE MONNAIE, ET ETRANGLE LES BANQUES PALESTINIENNES

Sam Bahour était un entrepreneur émigré aux Etats-Unis, qui avait cru à la sincérité des accords d’Oslo. Il était rentré au pays dans les années 1990 pour participer à ce qu’il pensait devenir rapidement une Palestine libre et indépendante.

Il ne tarda pas à découvrir qu’il s’agissait d’une duperie, déplorant que « l’Autorité Palestinienne » en soit la caution soumise aux diktats israélo-américains.

L’article que nous traduisons a été publié mercredi dans les colonnes de l’agence de presse palestinienne Ma’an.

« Les Palestiniens vivant sous occupation militaire israélienne en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza utilisent au quotidien la monnaie israélienne, le NIS (New Israeli Shekel).

Mais quand, le mois dernier, les tentatives de négociations de paix conduites par le chef de la diplomatie états-unienne John Kerry ont trébuché (d’aucuns diraient qu’elles ont capoté), Israël a pris des mesures punitives contre les Palestiniens, qui n’avaient pas accepté une capitulation politique totale.

L’une des mesures punitives a vu Israël informer la partie palestinienne que désormais les banques palestiniennes ne sont plus autorisées à transférer leurs shekels (NIS) excédentaires à la Banque Centrale d’Israël (BCI). On n’a jamais vu, dans l’histoire multi-centenaire du système bancaire mondial un organisme émetteur, la BCI en l’occurrence, refuser sa propre monnaie !

Cela équivaut à une déclaration de guerre à l’économie palestinienne : un effondrement du secteur bancaire palestinien, actuellement florissant, provoquerait celui des échanges, et donc de l’approvisionnement de la Palestine en produits aussi essentiels que l’électricité, les carburants, ou encore le gaz naturel.

Etant donné que l’économie palestinienne n’est qu’une extension de l’économie israélienne, et cela à cause de la perpétuation d’une situation d’occupation militaire, les Palestiniens importent 85% de leurs biens et services d’Israël, pays qui reçoit 80% de leurs propres exportations.

Tout importateur palestinien est par conséquent obligé de passer par ses propres banques, et ce sont celles-ci qui paient les fournisseurs israéliens.

Lorsque des banques palestiniennes opèrent un transfert électronique vers des banques israéliennes, celui-ci doit être garanti par un transfert équivalent d’argent physique, en shekels (NIS) bien entendu. La reconnaissance de sa propre monnaie, faut-il le rappeler, est une pratique constante dans l’univers bancaire. C’est même la norme pour le paiement effectif de ce qu’on appelle le seignieuriage, c’est-à-dire la somme (généralement modeste) traditionnellement due par le pays émetteur d’une monnaie (ici Israël) à un autre pays (ici la Palestine) utilisant la monnaie du premier (le NIS). En effet, l’utilisation du NIS par un autre pays qu’Israël accroit mécaniquement la valeur de la monnaie israélienne.

Mais Israël a toujours refusé de payer le moindre seignieuriage aux Palestiniens, et il franchit maintenant un pas de plus en interdisant aux Palestiniens de transférer leurs avoirs en NIS à la banque centrale d’Israël.

Les conséquences de cette mesure sont nombreuses. En premier lieu, les coffres des banques palestiniennes sont à présent gorgés de NIS, ce qui va conduire au refus d’accepter de nouveaux dépôts. Ensuite, un entrepreneur palestinien va être dans l’incapacité d’effectuer des transferts électroniques, la seule alternative restante étant de payer leurs fournisseurs israéliens directement en cash.

Mais l’immense majorité des Palestiniens n’ont pas le droit d’entrer en Israël : il faudra donc que les entrepreneurs trouvent des intermédiaires munis du précieux Sésame, ce qui encourage le développement du marché noir, et crée à l’évidence de nouveaux risques sécuritaires.

VERS UNE MONNAIE PALESTINIENNE ?

Théoriquement, l’Autorité Palestinienne a bien un équivalent de banque centrale, avec l’Autorité Monétaire Palestinienne. Celle-ci a réagi à la mesure israélienne : son gouverneur, le Dr Jihad al-Wazir, a déclaré qu’il allait « profiter » de la situation pour apporter des changements structurels au système monétaire palestinien.

L’une des options est celle qui consisterait à « dollariser » l’économie palestinienne, et donc à cesser l’utilisation du NIS dans les territoires occupés. L’autre serait de recourir, enfin, à l’émission d’une monnaie palestinienne indépendante, un projet bien plus ambitieux qui a été discuté depuis longtemps, mais que la décision israélienne pourrait accélérer.

Est-ce à la lumière de ces menaces, ou bien avec le sadisme du chat jouant avec la souris ? Toujours est-il que l’administration israélienne dite « civile » (mot trompeur, car il s’agit du département du ministère israélien de la Défense en charge des territoires palestiniens occupés) vient d’approcher l’Autorité Palestinienne et les banques palestiniennes avec la promesse de recommencer, « progressivement » , l’acceptation de NIS par la banque centrale israélienne. Les Palestiniens ne connaissent malheureusement que trop l’obligation de passer par ces tracasseries administratives pour assurer leur survie.

Ce n’est un secret pour personne qu’Israël et les banques israéliennes ont utilisé l’occupation pour engranger d’énormes bénéfices, mais aussi pour permettre aux banques israéliennes de consolider l’occupation elle-même. La coalition des femmes israéliennes pour la paix (qui anime le site web Whoprofits) a publié de ce point de vue un rapport accablant, intitulé Financing the Israeli Occupation (octobre 2010).

Depuis la publication de ce rapport il y a quatre ans, plusieurs choses ont changé ; la Palestine a notamment été reconnue comme Etat membre par les Nations-Unies, ce qui met à sa disposition bien plus d’outils diplomatiques pour incriminer directement les pratiques illégales d’Israël.

Trop de gens pensent que l’occupation militaire israélienne repose uniquement sur des mesures tangibles, telles que les colonies, les murs, les check-points, les raids aériens et tutti quanti, alors que le poids de l’occupation se fait tout autant sentir à travers une myriade de règles et restrictions administratives.

Ces obstacles administratifs, pas sujets à photographie, comprennent le système de permis de circulation, la mainmise sur le spectre électromagnétique qui prive les Palestiniens d’accès à la téléphonie mobile 3G, ou encore l’interdiction de creuser des puits, avec ses conséquences autant agricoles que sanitaires puisqu’elle prive de nombreux Palestiniens de l’accès à une eau potable ; sans oublier, en dernier lieu, la mesure conduisant à l’effondrement du secteur bancaire.

La communauté internationale commence à s’éveiller à la conscience de l’étendue illimitée de l’occupation militaire israélienne. Quant à ceux qui préfèrent rester dans leur léthargie, nous leur disons que les Palestiniens ne cesseront de les rappeler à leurs obligations au regard du droit international, qui sont de ne pas laisser Israël poursuivre les actions brutales dont il est si coutumier ».

Source : http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=700659


publié le 2 juin 2014