Jérusalem, capitale exclusive d’Israël : à chacun son « évidence »

Plus c’est gros, plus ça passe… La reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale exclusive d’Israël par l’administration Trump relèverait du bon sens. Il s’agirait de « reconnaître l’évidence », comme l’a tranquillement affirmé le président étasunien. N’est-ce pas à Jérusalem que se concentrent les lieux du pouvoir israélien, de la Knesset à la résidence du Premier ministre ? Allons, officialisons les choses ! Ni plus ni moins ! Et qui sait, peut-être que tout cela produira un électrochoc positif et ressuscitera le processus de paix devenu moribond !

Les autorités israéliennes doivent boire du petit lait. Leur rhétorique du fait accompli visant à diluer leur violente politique de colonisation et de dépossession des Palestinien-ne-s vient de trouver l’écho politique le plus favorable. La loi du plus fort a fini par porter ses fruits. Les éléments de langage utilisés par D. Trump, sa narration visant à limiter les effets désastreux de cette reconnaissance en en faisant même une chance pour la paix, son silence assourdissant quant aux revendications politiques des Palestinien-ne-s sur Al Qods – Jérusalem… Tout cela est repris par des officines sionistes un peu partout dans le monde pour que d’autres gouvernements emboîtent le pas de celui des États-Unis.

La réaction dithyrambique du CRIF à l’annonce de la reconnaissance de Jérusalem ne s’est pas faite attendre. Se sentant pousser des ailes, sa direction a lourdement insisté auprès d’E. Macron pour que lui aussi « reconnaisse l’évidence ». A cette fin, elle mobilise l’histoire biblique à plein régime. Les liens religieux millénaires des Juifs avec la ville sont utilisés pour justifier l’invisibilisation et la négation des droits des Palestinien-ne-s. Même son de cloche du côté du Consistoire qui a salué la « reconnaissance d’une vérité historique et du lien plurimillénaire du peuple juif avec la ville sainte. [1] » Les offensives diplomatiques palestiniennes visant à faire valoir leurs droits politiques sur la ville sont autant de menaces qu’il convient de neutraliser pour F. Kalifat, l’inénarrable président du CRIF : « (la reconnaissance de D. Trump) est la meilleure des réponses aux tentatives de falsification historique menée inlassablement par les pays arabes et les palestiniens à l’Unesco et à l’ONU sur le statut de Jérusalem [2] ». On croit rêver…

Les habitant-e-s palestinien-ne-s de Jérusalem – ceux qui ont pu rester après les vagues d’expulsion de 1948 et de 1967 et qui sont la cible depuis des années de politiques et réglementations discriminatoires – sont les grands absents de la nouvelle séquence politique amorcée par la reconnaisse étasunienne. Que va-t-il advenir de ces « résident-e-s palestinien-ne-s » sans aucun droit politique dans la ville annexée, et dont l’annexion vient de regagner en légitimité ? Sous l’ivresse de l’impunité qu’elles ne manqueront pas de ressentir, les autorités israéliennes vont-elles accélérer les démolitions des quartiers arabes et l’épuration ethnique déjà à l’œuvre ? Ce n’est pas un hasard si ses partisans essaient de toutes leurs forces de détourner l’attention de cette situation en brandissant l’argument d’un nouveau départ des négociations de paix. L’argument est périlleux, tant il dégouline de mauvaise foi : le statu quo sur Jérusalem n’a pas permis d’obtenir la paix ; peut-être que la reconnaissance de la réalité sur le terrain le permettra. Comme si c’était le manque de légitimité de l’emprise totale des Israéliens sur Jérusalem qui empêchait tout progrès en la matière !

Pourtant, pendant que se donnent à voir ces obscènes manœuvres d’équilibristes, qui plus est au nom de la paix, des Palestinien-ne-s meurent et les blessé-e-s se comptent par milliers [3]. A Jérusalem et en Cisjordanie, en conséquence de la répression violente des protestions et du renforcement du contrôle militaire. A Gaza, bombardée, encore et encore. La colère gronde et grandit dans les pays musulmans à mesure que le contrôle israélien se ressert autour d’Al-Aqsa, renforçant toujours un peu plus le risque de transformer une situation coloniale en un conflit religieux opposant Juifs et Musulmans. Tout cela était prévisible, il ne pouvait en être autrement. D. Trump, B. Netanyahu, leurs alliés du CRIF, tous le savent pertinemment. Et s’en moquent éperdument. Derrière ces éléments de langage pernicieux et narrations mensongères se cachent toujours plus de vies perdues palestiniennes. Et que font les dirigeants européens, à part rappeler solennellement leur attachement à une solution négociée et appeler B. Netanyahu à la retenue, à faire un « geste pour la paix » en gelant la colonisation ? Rien. Ou plutôt si, ils cautionnent : une fois encore, aucune sanction n’est à l’ordre du jour.

Une paix juste ne sera jamais atteinte par le maintien du régime d’apartheid, ni par l’écrasement mémoriel des Palestinien-ne-s.

L’UJFP condamne les falsificateurs d’histoire et les pompiers pyromanes. Il est temps de leur rappeler qu’ils ont du sang sur les mains, eux et ceux qui ne font que regretter.

Le Bureau national de l’UJFP, le 15 décembre 2017

http://www.ujfp.org/spip.php?article6063


publié le 15 décembre 2017