André Breton, en juillet 1938, lançait un manifeste « Pour un art révolutionnaire indépendant » et créait une fédération d’artistes (FIARI) proclamant « toute liberté en art » [1]. C’est peut-être parce qu’il se prend pour un révolutionnaire que le dessinateur Plantu s’accorde cette liberté et que Le Monde et L’Express, protecteurs des artistes, accordent à leur dessinateur officiel le rôle d’éditorialiste suprême. À moins que, hypothèse moins reluisante, les deux journaux lui laissent dire ce qu’ils n’osent dire ouvertement eux-mêmes : que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont liés par une amicale complicité.
Le 19 janvier 2011 déjà, le dessinateur éditorialiste déclenchait un fou rire libérateur, en publiant [2] – dans L’Express – un dessin satirique dont la vocation pédagogique est manifeste.
Un dessin qu’il aurait pu publier dans le quotidien vespéral un an plus tard (le 8 février 2012) pour illustrer un titre de « Une » digne de celui d’un éditorial.
Scrupuleux, le quotidien précisait – comprenne qui pourra – que Mélenchon et Le Pen, associés rivaux en populisme, défendaient « des programmes radicalement différents »… que l’artiste libre s’était empressé, dans L’Express, de présenter comme équivalents.
Il a fallu un peu plus de cinq ans de réflexion à Plantu pour que, dans Le Monde cette fois, le 19 juin 2017, il se livre à une nouvelle intervention pédagogique sur la complicité des populistes que, pas peu fier, il présentait lui-même sur twitter.
Le Monde prétend combattre le Front national. Peut-être ses journalistes envisagent-ils, après avoir enquêté sur les classes populaires, de combattre leurs fâcheuses tentations en distribuant gratuitement les dessins de Plantu dans les quartiers déshérités pour que les électeurs comprennent que s’ils votent pour Marine Le Pen, cela revient au même que s’ils votent pour Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise. Peut-être même verra-t-on Plantu – en personne – distribuer ses dessins.
Plus sérieusement, la question est simple (que nous n’adresserons pas au médiateur du Monde) : de quel crédit peut disposer un quotidien qui se présente non seulement comme un journal d’opinion, mais comme un journal de débats quand il publie des vilénies qui contredisent cette pieuse intention ?