S’il est vrai que la CGT, poussée par sa base, est au cœur de la bagarre, l’insurrection qui a lieu depuis trois mois est le résultat d’une rencontre entre de nombreuses colères et d’une volonté de combattre bien plus que la loi « Travaille » (et tais toi). C’est une insurrection contre toute l’offensive rétrograde dont cette loi n’est qu’une manifestation particulièrement édifiante. Des actions interluttes aux « Nuits debout », des occupations diverses aux blocages en tous genres, c’est toute une organisation sociale qui est mise en cause et attaquée : celle du monde gouverné par les rapaces du capitalisme « décomplexé » dont les socialauds ne sont qu’un clan particulièrement sordide. C’est cela que l’opération de brouillage médiatique vise à faire oublier.
Quiconque connait un peu l’Histoire du syndicalisme sait bien que la stratégie des bureaucraties syndicales, depuis l’abandon du projet d’Abolition du salariat, a toujours été de feindre d’être à l’origine des soulèvements que les travailleurs en colère déclenchent, afin de mieux les encadrer et ramener cette colère à leurs objectifs limités. C’est avec un art consommé de la mise en scène et des diversions, comme des tactiques d’adjudants (dont leurs « services d’ordre » ne sont que la manifestation la plus frappante) qu’ils promènent les travailleurs révoltés ainsi réduits à l’état de troupiers. Les bureaucrates syndicaux ne défendent que leur fonds de commerce, leur monopole de « négociateurs » des droits des travailleurs, et les avantages qui vont avec. Pour cela, ils doivent parfois jouer les gros bras pour ne pas être débordés par leur base. Mais leur but n’est jamais de mettre fin à la situation qui les nourrit. Invariablement, après avoir obtenu au mieux quelques miettes du gros gâteau capitaliste, ils invitent les ouvriers à retourner au chagrin au nom de la grande « victoire » obtenue. Ils savent terminer une grève. On est loin de l’envie de s’émanciper d’une insupportable condition de serf du patronat.
Ceux qui se battent depuis 40 ans contre les assauts « réformateurs » des majordomes du capitalisme visant à ramener l’ordre social à un « ancien régime » modernisé, en détruisant les quelques avantages sociaux obtenus par les rudes combats de nos ancêtres, savent que les reculades de l’État ne sont qu’une manière de se préparer à mieux sauter sur le râble des « citoyens » ; qu’une loi qui est sortie par la grande porte officielle revient vite, en catimini, par un soupirail discret ; qu’une « constitution » refusée par une majorité lui est imposée tout de même par une pirouette de la démocrature. Et, quand la mascarade démocrate ne réussit pas à faire gober le poison, il y a toujours un 49,3 ou un autre outil « légal » pour le faire avaler à ceux qui rechignent. Il est évident que, pour sortir de ce cycle infernal, il faudrait des victoires d’une autre ampleur que le retrait d’une loi.
C’est ce qu’ont bien compris ces gens de plus en plus nombreux qui dans les manifestations, les grèves, les blocages, les occupations, comme sur les Zad et autres tentatives « communalistes » cherchent à construire l’autre monde possible ; construction qui passe par la résistance à toutes les agressions tentant de l’empêcher.
C’est pourquoi la caricature d’affrontement mise en place par le gouvernement et sa valetaille médiatique vient au secours des matraques et des flash-balls pour essayer d’affaiblir ce soulèvement. Si l’affrontement actuel pouvait, en étant réduit à un combat de coqs, décourager bien des gens d’y participer, il irait une fois de plus vers l’échec et le bel élan insurgé qui l’anime se noierait dans la déception et la résignation, comme hier et avant-hier. C’est le pari des manipulateurs d’ « opinion ». -**Il revient à ceux qui veulent éviter cet échec de le contredire.
Gédicus,
Les éditions du bras d’honneur
9 juin 2016