Affaire Benjamin - Procès de deux policiers accusés de coups et blessures
Mercredi 28 mars 2018 - Chambre correctionnelle - Palais de Justice Bruxelles
compte-rendu libre
Bref rappel des faits concernés
Nuit de nouvel an 2017, vers 3h20 du matin, fin de soirée festive, Benjamin a été agressé par des policiers dans les rues de Bruxelles. Lui et deux amis s’amusaient avec des pétards dans la rue. Deux policiers (sur les quatre de la patrouille) leur ont confisqué le sac contenant les pétards, au motif qu’un arrêté du bourgmestre les interdit pour la nuit du Nouvel An.
Benjamin qui ne contestait pas l’interdiction leur a simplement demandé de récupérer le sac. Les policiers ont refusé. Benjamin a insisté et c’est à ce moment-là qu’un policier l’a pris au cou sans raison. Son collègue l’a accompagné en donnant des coups de pied au niveau du ventre et des côtes de Benjamin. Les deux policiers avaient également sortis leur matraque.
Benjamin leur a ensuite demandé leurs numéros de matricule. Comme seule réponse, le plus jeune l’a aspergé de sa bombe-spray lacrymogène en pleine figure. Lorsque Benjamin leur a dit qu’il allait porter plainte au « Comité P », les deux policiers (alors en train de s’en aller) se sont mis à courir vers lui, à toute vitesse, agressifs. Benjamin apeuré, a tenté de fuir mais les policiers l’ont rattrapé, saisi par la capuche de sa veste, mis au sol puis frappé à coups de pieds dans l’abdomen, dans le dos, les côtes et le ventre mais surtout donné des coups de matraques dans ses jambes, sans relâche pendant plusieurs minutes.
Dès le lendemain, Benjamin a porté plainte et les policiers ont été identifiés. Benjamin avait opté pour la médiatisation de l’affaire. Ceci a eu comme conséquence que les quatre policières-ciers (deux hommes et deux femmes), ont rédigé le lendemain deux rapports des faits… contradictoires (selon le Comité P).
Le procès
L’affaire est donc portée devant le tribunal correctionnel et une vingtaine de personnes se sont rendues au Palais de justice afin de témoigner de leur solidarité avec Benjamin et de leur souci de voir les violences illégitimes traitées avec le sérieux qu’elles méritent.
L’audience commence par l’exposé des fait par les deux policiers inculpés. Ils énoncent d’abord leurs fonctions actuelles et poursuivent en reconnaissant avoir porté des coups à Benjamin.
Le premier policier indique ainsi avoir donné un premier coup de pied à Benjamin et un deuxième à la fin de "l’intervention". Il reconnait également avoir fait usage de gaz avec une bonbonne par ailleurs périmée qui aurait également touché son collègue.
Cette intervention qui aurait dû "banale" se serait déroulée en confrontation et c’est ainsi que son collègue repousse Benjamin une première fois.
Il indique que la situation aurait dégénérée alors qu’ils voulaient en rester là puisqu’une telle intervention ne requiert pas les 4 policier.ère.s qui étaient sur place (dont deux restées dans le véhicule).
Le policier semble ne pas savoir s’il a touché Benjamin avec le spray. Au moment de vouloir quitter les lieux à l’entente d’un pétard ils se seraient sentis attaqués et sont revenus vers Benjamin qui en s’enfuyant trébuche. Arrivé "au contact" il lui assène un coup de pied en raison de la peur pour sa vie. Le contexte de cette nuit de nouvel an place les policiers en tension, peur de cocktail molotov.
De retour au commissariat ils n’auraient pas eu le temps de rédiger un PV.
Le deuxième policier explique lui aussi le contexte particulier et la peur occasionnée par le jet de pétard. Il explique comment le sac fut confisqué et que Benjamin souhaitait le récupérer, ce à quoi il réplique en le repoussant, il n’a jamais voulu l’étrangler. C’est alors que son collègue utilise le jet de dispersion. Étant donné que Benjamin prend la fuite, le policier ajoute "j’ai déduit" que c’est lui qui avait jeté le pétard et je le poursuis et sort et déploie ma matraque. "Habituellement au seul bruit que fait cette action les gens prennent peur". Il auriat fait cela en mesure de protection. Benjamin lui aurait donne un coup de pied au tibia "peut être par peur" ce qui fait mal. (ndlr : plus loin les policiers expliqueront comment, en raison de leur lourd équipement ils n’ont pas été en mesure de courir aussi vite que Benjamin - on peut se demander comment un coup de pied au sol a pu faire mal à l’équipement policier).
Le fait qu’ils n’ont pas rédigé de PV immédiatement est dû à la fatigue de la journée et a été fait le lendemain.
Le Procureur indique se poser des questions sur le fait qu’aucun PV n’avait été rédigé au retour de l’intervention étant donné qu’il y a eu saisie (le sac), éventuellement rébellion etc.. Il fait remarquer qu’il est ici question beaucoup d’impressions et non de faits (Benjamin "donnait l’impression de vouloir en découdre"), et se demande quelle était la justification de l’usage d’une arme de foule (bonbonne de gaz) et donc de cet usage de la force. Il rappelle que l’usage d’une arme (bonbonne) doit donner lieu à un rapport il s’agit d’une arme collective. L’ensemble pose question.
Les policiers répondent qu’ils auraient rédigé le PV de toutes façons et que leur comportement était dû au stress.
Le Procureur regrette par ailleurs le manque de signalements.
Le policier ajoute aussi que s’ils avaient ramené des personnes au commissariat pour une histoire de pétard on leur "aurait ri au nez".
Le Procureur indique qu’il n’y avait même pas une fiche d’information, ni l’appel au dispatching. Une nouvelle fois il rappelle que l’usage de la bonbonne n’est pas anodin.
Il semble y avoir disproportion de l’usage de la force, le fait d’indiquer que l’on a "anticipé" ne correspond pas aux conditions légales.
La prévention étant établie, les fait revêtent bien une certaine gravité. Il demande étant donné le manque d’antécédents, la suspension du prononcé.
(ndlr : loi du 29/6/1964 prévoit que le juge peut décider, au moment où il détermine la peine qui devrait frapper le coupable, de suspendre le prononcé de la condamnation. La suspension constitue une mise à l’épreuve du délinquant : bien que reconnu coupable, aucune sanction pénale ne sera prononcée à son égard pour autant qu’il ne commette pas de nouvelles infractions pendant le délai d’épreuve.)
L’avocate de Benjamin replace les choses dans un juste contexte, Benjamin s’étant certes comporté en enquiquineur mais rien de plus. La police elle semble plutôt s’être défoulée sur lui comme sur un punching-ball bal. Le certificat médical indique effectivement les nombreuses traces et ecchymoses. Elle indique qu’il y a une similitude avec la manière dont on traite les cas de viol, en effet c’est la victime qui se voit mise en cause, qui se retrouve jugée, au lieu de s’attaquer à l’auteur des faits. L’avocate reprend les éléments brutaux de l’intervention et les contradictions dans les déclarations et fait lecture des paroles d’un passant témoin, qui décrit avoir vu Benjamin étalé au sol, saignant, alors que la voiture de police quittait les lieux sans lui venir en aide.
L’avocate de la défense semblent se préoccuper d’avantage à mettre en avant que le policier n’a pas d’antécédents, alors que dans de nombreuses autres "affaires auxquelles le Président a à faire il n’en va pas de même", mais ce policier-ci serait "sans taches". Elle poursuit pour indiquer que la nuit de nouvel an on boit beaucoup et que l’intervention se passe dans "un quartier à problèmes". Les supérieurs des policiers leur auraient par ailleurs indiqué d’être particulièrement vigilants.
Elle semble ramer étant donné que les policiers ont reconnu les coups. Elle se lance dans un déploiement de commentaires à caractère incriminant sur Benjamin, il n’aimerait pas la police, elle a lu son facebook, il a d’ailleurs participé à de multiples manifestations...!
Puis son leitmotiv "je suis persuadée qu’on instrumentalise la Justice, monsieur le Président" (!)
Glissant ainsi de la défense de policier inculpé, à l’accusation de la victime avant de demander l’acquittement.
Le deuxième policier est défendu par un avocat qui indique qu’il est déçu que ce procès serait plus disciplinaire que pénal et indique que ce ne serait pas cela le rôle du Président. Demandant la suspension du prononcé (à titre subsidiaire). Il ne peut s’empêcher une dernière envolée en citant
J-F. Kahn "le véritable héro aujourd’hui est celui qui donne raison à la police" !
Après la réplique de l’avocate de Benjamin, qui regrettait la tournure du renversement du procès contre la victime, rappelait les articles de loi régissant l’usage de la force, notamment qu’il doit être proportionnel et poursuivre un objectif manquant ici, ni les deux policiers, ni leurs avocats ne souhaitent ajouter quelque chose.
Jugement sera rendu le 30 avril 2018.
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