Bonjour, tu as été expulsé dans un vol collectif au mois d’avril 2013 ? Tu peux nous raconter ce qui s’est passé ?
Oui, ça s’est passé le mardi. Je ne savais même pas que j’avais un vol. Donc, le mardi vers 13 heures, les gardiens sont venus dans ma chambre et ils m’ont dit qu’on m’appelait au bureau. Je ne savais pas pourquoi. J’étais en grève de la faim et pour moi c’était par rapport à ça qu’ils m’appelaient.
C’était au centre fermé 127 bis ?
Oui. Je me suis levé, je les ai suivis, on est parti au bureau, j’y ai trouvé mon assistante.
Un gardien a fermé la porte et mon assistante m’a dit « bon tu dois voyager demain, tu as un vol spécial demain ». J’ai dit « mais, pourquoi un vol spécial, je dois bouger demain, je suis là depuis tout ce temps, et vous ne m’avez pas informé ? »
Elle m’a dit que c’est comme ça que ça devait se passer. Elle m’a dit « maintenant on doit t’envoyer dans une autre chambre d’isolement, tu vas rester là-bas jusqu’à demain »
« Je vais prendre mes bagages comme ça on va partir là où vous voulez. »
« Non tu ne peux plus retourner dans ta chambre, on va s’occuper de ça. »
J’ai insisté « mais écoutez je vais juste prendre mes habits, il n’y pas de problèmes, ce qui est dans mon armoire je prends ça, comme ça c’est fait ! »
« Non, ce soir tu viens avec nous, de gré ou de force… »
« Ecoutez, vous allez me prendre et m’emmener avec vous, mais je ne vais pas partir là bas de moi même…. »
Ils m’ont envoyé dans une chambre où ils m’ont déshabillé, nu, pour voir si je n’avais rien. Ils ont vu que je n’avais rien. Ensuite ils m’ont envoyé dans une autre chambre où j’ai trouvé un autre mec qui venait d’un autre centre. En fait, ils ont envoyé tous les gens des autres centres – que ce soit Vottem, Bruges, Anvers- ils les ont envoyés dans le centre fermé.
Nous avons passé la nuit là-bas. Je suis resté quelque temps dans la chambre avec ce dernier . Puis l’assistant social est venu pour nous montrer la vidéo qui explique comment ça se passe l’expulsion avec un vol spécial.
J’ai regardé la vidéo. Je leur ai demandé si c’est possible d’appeler au pays pour voir si je vais avoir quelqu’un qui m’attendra à l’aéroport parce que je ne savais même pas où partir en arrivant là-bas.
Ils m’ont dit “OK, pas de problème, on va te donner un téléphone, tu vas appeler après.” Puis ils m’ont dit qu’en Belgique je ne peux pas appeler là-bas, c’est seulement en Guinée que je pourrai. J’ai demandé plusieurs fois et ils me disaient “attends, tu vas appeler, ne t’inquiète pas”, j’ai insisté à chaque fois. Et puis à un moment donné on m’a dit que “non, le téléphone est gâté, tu ne peux plus appeler personne”.
Après, les gardes sont soi-disant allés arranger mes bagages. Ils ont pris n’importe quoi. Parce que quand ils m’ont pris à l’Office des Etrangers je n’avais rien, juste ce que je portais et une culotte,…. Et ils ont pris tous les trucs là ils les ont mis dans mon sac.
Le lendemain ils sont venus pour me réveiller, Ils ont pris les draps tout ça. On vient prendre une personne à la fois. Mon tour venu, on est parti en bas pour voir les policiers qui devaient nous escorter. Ils nous ont fait rentrer dans une petite salle où ils m’ont encore déshabillé, nu, soi-disant que j’avais peut-être encore quelque chose alors que j’avais passé la nuit avec eux et qu’ils m’avaient fouillé la veille !!
Je me suis déshabillé, ils n’ont rien trouvé. Après ils m’ont menotté comme tout le monde.
Ils m’ont envoyé dans le bus avec deux policiers, après direction l’aéroport. Une voiture de police est arrivée et on est escorté comme si on avait commis un crime, on est parti à l’aéroport, ils nous ont fait descendre un à un pour monter dans l’avion.
Une fois dans l’avion, on te met au milieu, deux policiers s’assoient autour de toi, un troisième s’assied de l’autre côté au cas où un policier veut aller aux toilettes, un autre vient le remplacer. Donc pour chaque personne il y a trois policiers.
Et vous étiez toujours menottés ?
Oui, toujours menottés.
Quand l’avion a bougé, j’ai souvent demandé « jusqu’à quand on va rester menotté comme ça ? »
« On va partir d’abord, c’est au grand chef de décider… » Un policier m’a montré le grand chef et m’a dit que « c’est celui-là qui va décider mais nous on ne peut rien … peut-être quand les feux de signalisation pour la ceinture, quand ça s’éteint… »
On est resté comme ça une heure, une heure 30, voire 2 heures de temps peut-être menottés dans l’avion. Après on nous les a enlevées pour nous donner à manger. Une fois arrivés à Conakry, on est arrivés à 15 heures, quand on est arrivé il y avait quelqu’un qui représentait la Guinée ici, peut-être le gouvernement, je ne sais pas.
Chaque personne qu’on appelait, ils appellent le nom, après tu passes. Des hommes en tenue nous attendaient encore en bas, quand on descend un bus nous attend, les hommes en tenue sont alignés en deux rangs, on passe au milieu, on rentre dans le bus. Quand on a embarqué tout le monde dans le bus, direction l’aéroport national, parce qu’on n’est pas sorti dans l’aéroport international, c’est de l’autre côté qu’ils nous ont envoyés. On est parti là, on est resté quelque temps dans la salle, et puis ils nous ont dit allons-y, on est parti récupérer les bagages et puis…
Le dossier de demande d’asile, ils l’ont donné aux autorités ?
Non, les trucs que nous avions envoyés, ils nous ont donné ça dans l’avion, par exemple, moi ils m’ont donné la preuve que j’avais envoyée dans l’avion, avec le téléphone qu’on avait tout ça, avant qu’on ne descende.
Ca ils n’ont pas contrôlé. Je pense que tout était clarifié pour faire semblant que le gouvernement guinéen n’était pas au courant
Quelques jours après j’ai écouté à la radio un représentant du gouvernement qui disait qu’il n’était pas au courant du vol spécial de la Belgique vers le Guinée.
A notre arrivée on a trouvé des gens qui nous attendaient…
Et puis vous avez été libérés et chacun est rentré chez soi ?
Oui, on nous a libéré chacun pour soi… Je crois que personne n’a pu informer qui que ce soit pour qu’on l’attende à l’aéroport.
Et il y en a d’autres qui ont eu des problèmes ?
Non ça je ne sais pas, je ne suis pas au courant.
Quand on est sorti de là, chacun s’est divisé. Je pense qu’il n’y a pas eu de représailles parce que le gouvernement devait avoir un argument … pour ne pas que le peuple sache qu’ils sont en train de rapatrier les gens. Donc ils ont préféré nous laisser nous en aller comme ça et comme ça ils pourront vraiment se défendre. Après j’ai écouté à la radio ils disaient qu’ils n’étaient vraiment pas au courant de l’arrivée de ce vol … alors que quand on sait comment la procédure s’est passée, on voit que vraiment tout est bien arrangé… Quand tu vas à l’ambassade tu n’as aucune pièce d’identité, aucune fiche à ton nom… et puis cet ambassadeur te permet d’obtenir un laissez-passer, c’est que c’est une chose arrangée, et voilà… s’ils disent qu’ils ne sont pas au courant… nous on a compris pourquoi on n’a pas eu de représailles à notre arrivée, parce qu’on était très inquiets par rapport à ça…
Et il y en a qui ont été maltraités avant le départ ?
Oui oui, ils étaient déterminés bon… je ne sais pas s’il y a eu de la violence parce qu’ils nous envoient un par un, donc je ne sais pas ce qui est arrivé à l’autre. Quand ils viennent me chercher, ils me prennent tout seul.
Dans la petite salle où ils nous ont déshabillés, il n’y a que des policiers là, quand je quitte cette salle, ils nous envoient dans le bus, donc celui qui est derrière moi je ne sais pas ce qui va lui arriver, à moins que tu ne dises à ton ami ce qui t’est arrivé tu ne peux pas le savoir.
merci
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