Il y à peine plus d’un an, la plus grande grève étudiante de l’histoire du Québec éclate. Cette grève fut aussi le premier mouvement soutenue et massif en Amérique du Nord contre les mesures d’austérité causées par la crise des subprimes de 2008. Cette mobilisation exemplaire au niveau de la combativité de sa base, a créé une crise quasi sans précédent dans l’histoire de la société québécoise. Elle a aussi démontré les limites du mouvement étudiant et celle de tout mouvement isolé ou les illusions réformistes conservent leur emprise sur les militants et militantes.
Cette grève a été une gigantesque école de la lutte des classes pour des milliers de personnes.
En luttant, on a découvert la violence policière, le mépris des institutions bourgeoises, surtout des médias capitalistes, les tribunaux appliquant la « justice » de classe, et l’arrogance des bourgeois eux-mêmes ! Certains et certaines d’entre vous se rappellent surement avec quel cynisme, des petits gosses de riches ont imploré l’intervention de la police pour pouvoir aller à ‘’leurs cours’’ ; comment des politiciens et des petits carriéristes ont pris six mois de sacrifices et les ont vendus pour s’acheter une chaise ou poser leur cul au parlement, comment des « chefs » ont joué les stars grâce à nos blessures et à nos nuits sans sommeil. Cette grève nous a appris cela certes, mais elle nous a aussi fait connaître le courage des matins gris sur les lignes de piquetage. Elle nous a aussi révélé toute la force de la foule dans les actions et les manifestations, lorsque nous avons fait comprendre à maintes reprises aux chiens de l’État que, oui, on était capable de se défendre. Nous avons aussi appris à frapper le portefeuille des bourgeois en bloquant ports, banques et ponts. Nous avons appris ce que c’est de s’organiser, de voir la solidarité dans les yeux de centaines de travailleurs et de travailleuses, prendre la rue à nos cotés, casseroles en mains. Certain-ne-s ont même voté le principe d’une grève illégale dite ‘’sociale’’, pour nous appuyer (ce sont les bureaucrates syndicaux qui les ont empêché).
Cela a gonflé nos poitrines de savoir que c’était nous, et pas Léo, ni Martine, ni même Gabriel, qui avions donné courage à ces prolétaires, nos frères et nos sœurs de classe. Nous avons vu ces mêmes travailleurs et ces même travailleuses s’organiser en assemblées autonomes de quartiers, en réseaux et en comités pour nous appuyer. Aussi, nous avons bloqué la hausse libérale, on s’est « calissé » de la loi spéciale, on a bloqué les coupures dans les cegeps et on a gagné une augmentation des prêts et bourses. Nous avons même gagné que lors de cette triste farce qu’est le Sommet, une hausse massive des frais de scolarité soit probablement complètement écartée. On s’est battu-e-s, on a arraché-e-s chaque gain avec notre courage et nos tripes, on pourrait presque dire qu’on a gagné… Mais.
Malheureusement, la grève a eu une fin peu glorieuse. Bien entendu, la masse étudiante était fatiguée et les militants et les militantes terriblement juridiciarisé-e-s. Cela a contribué à mettre fin à la grève. Pour beaucoup d’éléments radicalisés, la raison de l’échec de la grève, de la menace plus que palpable d’indexation, de l’implantation de l’assurance qualité, de l’absence de perspectives politiques claires à la fin de la lutte est dû à la récupération électorale. La victoire à la « Pyrrhus » ne serait dû qu’à un état-major qui aurait trahi. Certes les coups de poignard des bureaucrates syndicaux, qui ont fait avorté la grève sociale, ou ceux des sociaux-démocrates et des nationalistes de ‘’gauche’’, qui ont saboté la lutte pour mieux briller aux urnes, ont tué la grève, mais il y a d’autres raisons. Si nous avons perdu, les seuls coupables c’est nous autres. Si la grève que nous avons tant mobber, organisé et radicalisé s’est réduite en cendre pour servir des basses manœuvres électoralistes, c’est parce qu’on s’y est laissé prendre. Pourquoi le chauvinisme d’Option Nationale et du Parti Québécois et la sociale démocratie de Québec solidaire sont-ils les grands gagnants de la lutte ? Tout simplement parce qu’ils et elles se sont organisé-e-s. Nous avons rien eu de mieux à faire que d’accuser les réformistes d’agir en réformistes. Nous sommes tombés dans l’idéalisme, dans la croyance que le mouvement étudiant, interclassiste, idéaliste et libéral était un terrain ou l’on pouvait gagner par notre simple présence. Nous sommes tombés tête première dans la Gueule du loup du « life style » libertaire ; préférant l’adrénaline du cassage de vitrines à celui d’un long et patient travail de jonction à la base avec le reste de la classe ouvrière. Nous avons plaidé la diversité des tactiques plutôt que l’unité d’action. Nous avons beaucoup parlé de démocratie « directe » détachée de son contexte sociale, plutôt que de préparer l’affrontement direct avec l’État bourgeois. Nous avons malmené les fédérations étudiantes, plutôt que d’expliquer où menait le concertationnisme. Nous avons critiqué des idées d’oppression, ce qui est souvent nécessaire au cœur de la lutte, mais trop peu à leurs bases matérielles. Nous avons parlé, et nous parlons encore d’éducation « humaniste », « non-marchande », alors que nous savons pertinemment qu’une telle éducation ne serait possible que sous le socialisme.
Arrêtons de nous nourrir de chimères. Nos futur-e-s boss sont dans nos AG, nos futur-e-s députés dans nos comités de mobilisation. Les concierges de nos établissements ont souvent plus de potentiel de lutte que plusieurs des personnes qui sont dans nos classes. Nous avons souvent peur des étudiants et étudiantes en techniques, qui peuvent se montrer frileux face à des revendications qui ne semblent pas les affecter, plutôt que d’essayer de les joindre. Nous avons besoin d’organisation, d’un programme de lutte, d’une discipline. Nous devons nous solidariser beaucoup plus de la classe ouvrière dans ses luttes. Nous devons nous préparer à affronter la classe bourgeoise dans son ensemble, pas juste la ‘’droite’’, pas juste le PQ. Nous avons amèrement constaté le cul de sac où nous a mené le « parti des urnes et de la rue » qu’est QS. Nous sommes en guerre, il serait temps d’agir en conséquence.
Pour plusieurs camarades, aujourd’hui c’est le début de la lutte contre l’indexation. Nous devons aller plus loin. Aujourd’hui, doit être le début d’un vrai mouvement contre l’austérité. La lutte contre l’odieuse réforme de l’assurance-chômage ainsi que la lutte contre toutes les autres mesures de compression des divers paliers de l’État doivent être menées à bien. D’ailleurs, le Parti Québécois attaquera sûrement les travailleurs et les travailleuses du secteur publique lors des prochaines négociations des conventions collectives. Une opposition de classe doit être construite contre l’austérité capitaliste. Ce ne seront ni les partis réformistes, ni la bureaucratie syndicale, ni la fausse opposition des nationalistes qui pourront le faire. Nous devons nous organiser ensemble, peu importent nos secteurs d’activités, au sein de structures autonomes de la bureaucratie. C’est pourquoi, je fais le choix de joindre une organisation communiste, révolutionnaire et internationaliste. Nous voulons abattre un système qui nous enlève tout, jusqu’à notre futur. Nous savons que ses gestionnaires sont prêts à tout pour le défendre. Le monde ne changera pas avec des consensus préfabriqués et des demi-mesures. Nous avons besoin d’une révolution prolétarienne internationale et pour la mener, nous avons besoin d’un parti de classe.
Un étudiant sympathisant du Groupe Internationaliste Ouvrier (GIO)