« Pas une seule liberté donc, pas un droit qui ne soit le produit d’une lutte. Les libertés qui ne sont pas défendues, disparaissent. Les libertés qui ne sont pas conquises, restent des songes. »
Parce que aujourd’hui le travail est indissociable de la précarité, de la flexibilité, des licenciements, des plans d’activations et des allocations sociales,
Parce que « la fête du travail » est indissociable de la bière, du pain saucisse et d’un folklore syndicaliste aussi impuissant que contre-productif,
Parce que l’expression politique de « la fête du travail » ne se résume qu’à une tribune où un spectacle ne laisse dans le vent qu’un ensemble de mots sans chairs ni sens et encore moins d’actes et de portées,
Parce que nous refusons de nous forcer une année encore à participer à cette obligation morale, cette triste(me)sse où on tente de se sentir moins seul.e,
Parce que l’illusion productiviste du plein-emploi n’est qu’un rejeton du mythe suicidaire de la croissance, elle est une participation mortifère à l’écocide généralisé,
Parce que le libéralisme est liberticide et parce qu’il s’insinue partout, parce qu’il détruit peu à peu toute idée de commun, parce qu’il cherche à coloniser nos esprits par tous les moyens, parce qu’il détruit une par une nos conquêtes, nos libertés et la diversité de nos modes de vie.
Pendant que certain.e.s veulent commémorer, d’autres luttent maintenant. Tandis que ceux qui ont intérêt à l’immobilisme nous demandent d’attendre des hypothétiques moments – élection, reprise du marché, soutien de la base, croissance et autres conneries –, d’autres s’organisent directement de manière plurielle.
C’est ce qui se passe en France où zadistes luttant pour leur commun, grévistes s’auto-organisant dans l’action et débordant les manifs, ou encore les étudiant.e.s occupant les facs tiennent la dragée haute à l’état français ! La Belgique n’est pas en reste, attaques contre la prison et son monde, frappes nocturnes sur la pollution publicitaire, destruction de matériel urbain anti-sdf, ZAD du Keelbeek contre la maxi-prison, plateforme d’hébergement des sans-papiers face à la violence de l’état, créations de comité de soutien aux ZAD, initiatives antifascistes, manifestations féministes...
Nous prenons part depuis le terrain de la lutte. Notre histoire ne nous lie pas à une quelconque fête du travail. Elle nous lie au massacre de Haymarket Square où l’état et le Capital exécutèrent huit anarchistes pour avoir organisé des manifestations ouvrières en arme avec l’exigence de la réduction du temps de travail. Notre histoire nous lie aux actes de ruptures, aux visages anonymes sabotant, occupant et dépavant, elle nous lie aux barricades et à la pratique des mots sur les murs ; et non aux quelques figures mâles de 68 ou aux slogans tellement répétés qu’ils ont perdu toute pugnacité. Nous nous lions aux pratiques, aux actes et non à quelques idoles, icônes.
Ici et ailleurs, nos compagnon.ne.s et camarades sont en lutte, il n’est pas question pour nous de commémorer, de se vider des goulots estampillés made in Cuba vendus par des partis, de recommencer la même messe avec les mêmes prêches archaïques, ou encore de manger un pain saucisse en compagnie des corrompus, attentistes, tièdes et autres vendus.
C’est pourquoi nous lançons cet appel pour le premier mai :
Personne au monde, personne dans l’histoire n’a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de ceux qui l’oppriment – Assata Shakur
Nous, travailleur.se.s avec ou sans papiers, collectionneur.se.s de CDD, stagiaires, jonglant avec les temps partiels et jongleurs à temps partiel, intérimaires, intermittent.e.s, étudiant.e.s, apprenti.es, cohabitant.e.s, chômeur.se.s sanctionné.e.s, contorsionnistes du black, indépendant.e.s complémentaires (sur vélo, mob ou à pattes), flexibles par contrainte, nomades par envie ou par nécessité, chercheur.se.s atypiques ou dans la dèche, artistes avec ou sans statut, évadé.e.s de l’emploi à vie et refuzniks du salariat, bénévoles et activistes au sein de projets collectifs, squatteur.se.s, zadistes et autres spécialistes de la réappropriation des espaces publics et privés ;
Nous les précaires réclamons tout. Toutes nos envies, toutes nos vies.
Nous ne négocierons rien.
Nous demandons aux élèves et étudiant.e.s, aux travailleur.se.s précaires et temporaires, aux chômeur.se.s, aux immigrant.e.s, aux artistes, intermittent.e.s, saltimbanques, aux femmes activistes et aux militant.e.s d’Europe et du monde, à créer ces espaces de rupture. Nous osons et nous avons des dents pour mordre et crier.
Pour toutes ces raisons, réapproprions-nous ce premier mai pour en faire une journée internationale de lutte des précaires. Avec nos rêves, nos slogans, nos réalisations, nos déguisements, nos musiques et nos tripes, dans une rage joyeuse contre l’exclusion, créons des espaces d’utopies et de plaisirs !
En rose, en rouge et noir, en vert et contre tout, le premier mai, à Liège comme à Bruxelles et ailleurs, nous ferons sa fête au travail ! Que nos cercles affinitaires, nos bandes de voyous, nos collectifs, nos conspirations de canailles, nos associations et autres clubs de vandales lancent des initiatives pour ce premier mai, de la place Saint-Paul au Carré de Moscou, de jour ou bien de nuit. Certaines sont déjà prévues. A vous d’en prévoir d’autres.
Amours et Révoltes.
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