A l’initiative de l’agence Media Palestine, plusieurs personnalités réagissent au lendemain de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv et dénoncent la position du président de la République. « Macron marche ainsi dans les pas de tous ceux qui veulent criminaliser les luttes en faveur de la justice en Palestine et pour les droits des Palestinien-ne-s ».
La commémoration de la rafle du Vél d’Hiv – qui s’était traduite par l’arrestation, la déportation et la mort de milliers de citoyens français juifs –, aura été scandaleuse à bien des égards. L’invitation à la cérémonie d’un seul chef d’État étranger, en la personne du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, participe d’un détestable amalgame entre judaïsme et sionisme, allant même jusqu’à donner l’impression que, pour Emmanuel Macron, les juifs, forcément tous sionistes, seraient moins français que les autres…
Au détour d’une petite phrase, le Président français aura prouvé, malgré ses déclarations convenues et vides de sens pour la paix au Proche-Orient, qu’il prenait entièrement faits et cause avec les faucons israéliens et leurs alliés ici en France. Premier chef d’état français à reprendre mot à mot l’argumentaire de la Hasbara ministère de la propagande israélienne en lutte contre BDS : « nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. »
Ainsi apparaissent clairement à présent ceux qui jouent la carte de l’importation du conflit israélo-palestinien et pour quels intérêts. Tout cela en instrumentalisant la commémoration de ce crime d’État, crime de masse raciste franco-français. Les déportés juifs du Vél d’Hiv en 1942 n’ont rien à voir avec « le conflit » et leur mémoire n’appartient à personne. Leur utilisation ici ne fait que nourrir un certain confusionnisme questionnant l’appartenance des citoyens français juifs que la présence même de Netanyahu avait déjà bien alimenté – et donc l’antisémitisme.
Le président de la République aura aussi offert l’opportunité politique à Netanyahu de blanchir, par le sort des juifs français victimes de la rafle, son régime de destruction du peuple palestinien. Et ainsi le légitimer.
Oubliée la colonisation, effacée l’occupation, niés les Palestiniens quotidiennement exécutés par l’armée, la police des frontières ou les colons, la tragédie de Gaza, les milliers de prisonniers politiques, la torture... Cela montre bien le peu de cas que fait Macron des souffrances et des revendications des Palestinien-ne-s.
L’usage délibérément faussé de la notion d’antisionisme pour délégitimer et réduire au silence le mouvement de solidarité avec la Palestine en général et la campagne BDS France en particulier, est indigne de l’image de président « lettré » que Macron veut donner.
Un simple dictionnaire permet de faire la différence entre ce qui est critique d’une idéologie politique et du régime qui l’applique, et le racisme anti-juif qu’est l’antisémitisme. Macron marche ainsi dans les pas de tous ceux qui veulent criminaliser les luttes en faveur de la justice en Palestine et pour les droits des Palestinien-ne-s.
Sacrifier les droits palestiniens aux projets impérialistes sur le Moyen Orient, ce fut la politique des grands empires coloniaux français et anglais. De ce point de vue, on est En marche à reculons… C’est du moins ce que les invitations quasi concomitantes de Trump et de Netanyahu, à l’occasion de deux dates à l’importance symbolique très forte, laissent à penser. Assistons-nous à l’émergence d’une nouvelle alliance qui revêtirait les vieux habits des néo-conservateurs que nous croyions passés de mode ? On est bien loin des prétentions à la nouveauté.
La nouveauté, la seule aujourd’hui, consisterait à enfin poser les termes du droit des peuples, et du peuple palestinien en particulier.
Dans le sombre tableau politique qui se dessine avec l’avènement de Macron, marqué par la confiscation de nos droits sociaux et de nos libertés civiles, une liberté supplémentaire nous serait volée : celle de la lutte anticoloniale et du soutien des droits du peuple palestinien. Cette liberté, comme toutes celles que l’on veut nous enlever, nous la défendrons, en renforçant notre solidarité et ainsi notre soutien à l’appel au boycott, aux désinvestissements et aux sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il applique le droit international et les principes universels des droits humains.
Signataires :
Ahmed Abbes, Directeur de recherche au CNRS
Zahra Ali, Universitaire, SOAS
Verveine Angeli, Union Syndicale Solidaires
Mounia Benaili, Conseillère municipale insoumise à Juvisy Sur Orge
Tarek Ben Hiba, FTCR
Annick Coupé, ATTAC France
Sonia Dayan Herzbrun, Sociologue
Christine Delphy, sociologue et militante féministe
Driss El Kerchi, ATMF
Mireille Fanon Mendès France, Fondation Frantz Fanon, experte à l’ONU
Gisèle Felhendler, Sortir du Colonialisme
Eric Hazan, Editeur
Armelle Laborie, Co-auteur de « Un Boycott légitime » (éd. La Fabrique)
Madjid Messaoudene, Elu à Saint Denis
Catherine Samary, Economiste, spécialiste des Balkans, militante alter-mondialiste
Michèle Sibony, Union Juive Française pour la Paix
Eyal Sivan, cinéaste, Co-auteur de « Un Boycott légitime » (éd. La Fabrique)