Le Proche-Orient nous semble bien lointain, mais Israël et les États-Unis sont pourtant très proches en dépit de la distance qui les sépare : Tel-Aviv a ainsi coûté à chaque Américain la somme de 21,59 dollars en 2011. Ce sont les chiffres avancés par « l’US campaign to end the occupation », une confédération de 380 associations qui se battent pour mettre fin à l’occupation israélienne en Palestine. Mais ce n’est pas tout : sans même sans rendre compte, le citoyen étasunien contribue à bien des égards à financer quotidiennement et indirectement l’apartheid israélien. Ce n’est pas difficile : il suffit de descendre au supermarché local et d’acheter des produits en provenance des zones occupées. On extorque en effet là-bas les ressources vitales des Palestiniens dans un contexte de véritable régime colonial. C’est ce qu’affirme le New-Yorkais Alex Kane, rédacteur en chef d’AlterNet et collaborateur à Mondoweiss, un blog consacré à la couverture de la politique étrangère américaine au Proche-Orient. Les entreprises qui profitent le plus de cette manne se nomment Sodastream (machines à eau gazeuse et concentrés pour machines à soda), Sabra (sauces), Ahava (cosmétiques) mais aussi Hewlett-Packard et Motorola.
« Les consommateurs ne le savent pas », écrit Alex Kane, mais l’achat de ces produits renforce l’occupation militaire israélienne en Palestine qui dure maintenant depuis quarante-six ans. « Certaines de ces entreprises ont des usines situées dans l’une des cent-vingt-cinq colonies officiellement connues en Palestine, lesquelles sont parfaitement illégales aux yeux du droit international ». D’autres entreprises contribuent au maintien de l’occupation en coopérant avec les forces de défense israéliennes, tout en sachant que l’objectif principal de Tsahal est de protéger les colonies et d’exercer sa domination sur la vie de millions de Palestiniens. L’achat « innocent » de ces produits participe ainsi de facto aux bénéfices des entreprises qui exploitent les terres et les ressources palestiniennes. Sodastream, qui transforme l’eau du robinet en eau gazeuse et autres boissons gazéifiées, a été le carton israélien de l’année 2010 : introduite en bourse, la société a rapidement connu une capitalisation de 780 millions de dollars, soit environ vingt fois les bénéfices attendus en 2012.
Dans sa publicité, l’entreprise déclare faire de la « sensibilisation à la protection de l’environnement l’un de ses credo ». Mais le côté le moins progressiste de Sodastream, écrit Alex Kane, réside dans le siège de son entreprise situé à Mishor Adumim, la zone industrielle de la colonie de Ma’ale Adumim, non loin de Jérusalem. La compagnie affirme pourtant ne pas violer le droit international, arguant du fait les Palestiniens profitent directement de sa présence. Pourtant, l’association Who profits ? pointe la souffrance des ouvriers qui y travaillent, utilisés comme une force de travail peu payée et menacée de licenciement à la moindre velléité de justice sociale. Sodastream renforce dans les faits le processus de colonisation en tuant toute possibilité d’État palestinien viable.
Il en est de même pour Sabra, le célèbre fabricant de sauces à base de pois chiches et de graines de sésame parfumées d’essences méditerranéennes. Les Américains en sont fous. Selon le Huffington Post, l’entreprise israélienne a gagné 60 % du marché étasunien. Problème : Sabra est détenue en partie par la société israélienne Strauss Group, qui apporte sans équivoque son soutien à certaines unités d’élite parmi lesquelles la brigade Golani, responsable de certaines opérations sanglantes opérées contre des civils à Gaza pendant l’opération « Plomb durci ». D’après Alex Kane, le groupe Strauss ne se contente pas d’équiper les soldats israéliens de kits alimentaires et de produits de soin personnel ; « il soutient financièrement cette unité militaire par le biais d’activités culturelles et éducatives. Parmi ces dernières, on trouve pêle-mêle les aides économiques apportées aux soldats défavorisés, la construction d’installations sportives et récréatives, des livres et des jeux pour les foyers du soldat ».
L’analyste étasunien ne s’arrête pas là. Il accuse aussi un autre grand producteur de condiments israélien, Tribe Hummus. La société est détenue en partie par Osem, qui collabore avec le Fonds national juif. Ce dernier a joué un rôle clé avant la création de l’entité sioniste en participant avec le fondateur d’Israël, David Ben Gourion, au nettoyage ethnique en expulsant des Palestiniens de leurs terres. C’était en 1948. Devenu depuis propriétaire de 13 % des terrains en Israël, le FNJ travaille aujourd’hui en étroite collaboration avec le gouvernement israélien à la destruction des villages palestiniens.
La gamme de produits Ahava est quant à elle largement distribuée aux États-Unis. Ahava signifie « amour » en hébreu. Mais Alex Kane rappelle que « ce que la société a fait en Cisjordanie ne sera jamais indiqué sur les emballages de la marque ». Ahava a en effet exploité illégalement les ressources naturelles palestiniennes, en premier lieu la fameuse boue de la Mer morte que la société a extraite en totale violation du droit international qui interdit l’exploitation des ressources d’un territoire occupé. L’industrie technologique n’est pas en reste : peu de gens savent que le colosse mondial Hewlett-Packard (imprimantes, ordinateurs, Smartphones, etc.) possède également EDS Israel, la société qui contrôle, par le biais de la biométrie, les travailleurs palestiniens à tous les check-points. Et depuis 2009, HP gère les informations de la marine militaire et de l’armée israéliennes tout en collaborant au projet « smart city » dans la colonie illégale d’Ariel en Cisjordanie.
Contrairement à l’Afrique du sud, qui a aboli l’apartheid sur son sol en 1991, Israël refuse de sortir du suprémacisme colonial qui donne des avantages particuliers à une culture, à une ethnie, à une religion. L’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’entité sioniste. De surcroît, les produits en provenance du territoire israélien bénéficient de tarifs préférentiels qui les exemptent pratiquement de droits de douane aux termes d’un accord d’association conclu entre l’État hébreu et l’Union européenne. L’arme par laquelle chacun-e d’entre nous peut peser dans la balance en touchant au cœur le système d’oppression sioniste est le boycott. C’est aussi un moyen pour amener, par la pression d’en bas, les gouvernements et les institutions à réagir sur le plan politique. C’est surtout la moindre des choses de ne pas contribuer, de quelque manière que ce soit, au financement d’un des derniers États racistes au monde.