Le visage de la guerre a changé… celui de la guerre de classes aussi
Dans chaque contexte socio-géographique le système capitalisme génère sa propre réalité d’oppression, de destruction, d’exploitation sociales à l’échelle et selon le caractère de son développement. Au Moyen-Orient ce sont les invasions militaires récurrentes, les frappes de drones, les groupes de jihadistes Takfiri aux ceintures d’explosifs, les trafiquants d’armes et de drogues soutenus par des États occidentaux ; dans les État occidentaux sur-développés ce sont les flics harcelant partout dans les rues, l’appareil technologique qui envahit et impose sa domination sur le territoire, la machinerie et les troupes embrigadées de la construction poussant l’empire infini de la banlieue et de ses autoroutes, le tout sous les commandes des promoteurs-parasites et des technocrates. La guerre sociale permanente n’est pas que généralisée sur plusieurs fronts et métastases, mais prend forme aussi sous une multitude d’aspects et de dimensions. C’est pour ça qu’il ridicule que de penser -comme certain-es osent encore le faire, soit naïvement ou malhonnêtement- la « révolution sociale » comme ce fut pensé il y a une centaine d’années, ou au mieux en Catalogne durant les années ’30. Sans doute à Rojava ça ne l’est pas… faut voir !
D’autogérer les « usines », qui ont pour la plupart été exportées en Chine et au Bangladesh, ça veut dire quoi au juste ? L’industrie par ici veut dire une industrie de masse parasitaire et destructrice de la construction/immobilier poussant la gentrification dans les villes comme les banlieues sans fin à l’encontre de la dite « campagne » ; ça veut dire une industrie des « nouvelles technologies », notamment du contrôle social et de la biotechnologie toxique ; ça veut dire une industrie du spectacle, incluant tout le cosmétique… le « show » de la vie quotidienne ; ça veut dire aussi un complexe industriel de l’identité et de ses politiques identitaires. Ça veut dire, globalement, la société-machine. Pourrie de toutes parts mais toujours aussi fonctionnelle et sordide, nous souriant toujours, machinalement.
Au delà de la question de comment autogérer des secteurs aussi complexes, sauvagement compétitifs, ultra-compartimentés d’une industrie fondamentalement hostile et anti-humaine/anti-naturelle, pointant ses armes contre le personnel et l’interpersonnel, il y a la question de l’à-quoi-bon organiser une quelconque reprise de cette industrie par sa force de travail, qui est déjà achetée de toutes pièces dès sa jeunesse, à travers le système d’éducation et les nombreux dispositifs technologiques de contrôle de masse.
L’accumulation techno-industrielle, en parallèle direct et causal avec l’expansion impériale de la société de la commodité, s’est soldée par une invasion de la commodité et de son spectacle dans nos vies, prenant maintenant la forme bien logique et conséquente d’une invasion technocratique de nos vies, du vivant en général, allant dans le sens d’une domination totalitaire où nous ne sommes réduit-es qu’à être des bio-machines de chair et de sang, où l’humain sert plus à la machine industrielle que l’inverse. Le prolétariat, le nouveau prolétariat d’après-guerre du moins, participe à ce processus, activement et farouchement. L’idéal sur les lèvres de tous-tes est la sacro-sainte quête du pouvoir -idéal inquestionné même chez une bonne part de soi-disant radicaux soi-disant critiques de la société dominante- se traduisant par la poursuite de la prospérité, de l’atteinte d’un statut, de meilleurs conditions matérielles, d’un « levier » social/politique/économique plus puissant pour soi, son clan, sa famille, sa bande… mais bien-sûr avant tout pour soi. Les valeurs intellectuelles, esthétiques, ludiques, morales, humaines n’ayant pas en substance d’intérêt, ou au mieux comme soutiens interchangeables à la valeur centrale du dogme ; le capitaliste, sous toutes ses formes, est un être vide de sens et de sensualité, qui n’a de goût que pour l’objet de possession et de domination, surtout pour l’idée de possession et de domination, plus que l’objet lui-même.
Sanctionné par un système de lois et de règles (pas toujours formelles, encore moins souvent acceptées de tous-tes) restreignant la jouissance directe, le capitalisme se fait État, et l’État en est indissociable, fondamentalement. De parler d’État capitaliste est un pléonasme ; il n’existe rien d’autre qu’un État légitimant et régulant le jeu de la quête du pouvoir, ce qui veut dire protégeant et permettant la consolidation de ceux qui en ont le plus accumulé. Par ici, c’est un secret encore trop bien gardé par les autorité officielles comme leurs soi-disant critiques que le trafic des drogues dures, surtout la Sainte Cocaïne, est un moteur de ce puissant capital en voie de consolidation, défendu et en partie contrôlé par ces mêmes autorités (gouvernementales, corporatistes, médiatiques surtout). L’Armée, les services secrets, même la police, notamment, en sont les vecteurs centraux. C’est « l’indépendance » de force du Kosovo, par exemple, qui -par l’entremise de l’aéroport des forces de l’OTAN- a permis à répandre de l’héroïne Afghane bon marché partout en Europe et au-delà.
Dans un tel ordre social, toute forme de radicalisme de Gauche niant ou ignorant la réalité d’une telle domination technologique (qui inclut la pharmaceutique bien entendu) comme étant un front en soi pour renverser ce monde ne se résume qu’à être une secte ésotérique, une frater-sororité religieuse convaincue dur comme fer en une analyse aussi romancée que déphasée, déconnectée d’une part signifiante de la réalité de l’oppression dans ce système. Ou avez-vous vu des anarcho-communistes se joindre à la résistance locale contre la construction d’antennes de télécoms et de compteurs intelligents, ou bien contre l’élargissement d’une banlieue ? Faut être chanceux-se pour voir ça, du moins par ici. Mais pourtant…il s’agit de fronts cruciaux de l’invasion capitaliste qui profite directement à son renforcement et son accumulation systématique sans fin apparente. Toutefois il est pas trop tard, toutefois, pour comprendre et se mettre à jour avec la réalité post-Guerre Civile d’Espagne de la technocratie capitaliste. Suffit de sortir un peu de la bulle socio-culturelle son petit milieu militant, loin en dehors aux frontières de ce monde sordide. Tout-e soi-disant-e radical-e devrait une fois de temps à autres aller faire une balade de vélo « en dehors », autant que possible avec des complices, pour constater l’état actuel de la guerre de classes, compter le nombre de victimes non-humaines qu’elle fait sur les routes, continuellement, repérer géographiquement les zones et fronts d’invasion capitaliste, surtout se familiariser avec un autre monde, naturel, qui se fait étouffer graduellement dans l’étreinte d’une grille de domination bien réelle et concrète.
Et que savez-vous des « capitalistes » eux-mêmes, que savez-vous de leurs réseaux sociaux, leurs clubs, sectes, sociétés secrètes, gyms et restos préférés ? Saviez-vous que… les « riches », le « Pouvoir », les « capis », les « bourgeois », les « gestionnaires » vivent sur cette même terre et respirent le même air, sont parfois même parmi vous ou dans les environs ?
Si t’es pour le moins intéressé-e à avoir un véritable levier contre ce Pouvoir plutôt que de te donner collectivement l’impression d’en avoir un, penses un peu à ça. Ça peut être une bonne idée aussi d’en parler, pragmatiquement, avec tes ami-es… entre deux manifs de soir ou assemblée.