MANIFESTE DE 1975
Au printemps 1975, Franklin Rosemont (1943-2009), fondateur du groupe surréaliste de Chicago nous demanda, pour le numéro 3 d’ Arsenal , un texte pour illustrer la démarche du Désir libertaire . Le texte ci-dessous fut composé à partir de l’éditorial du numéro 5 de notre revue.
Nous repoussons avec dégoût les dépotoirs de la survie et ses idées rationnelles qui remplissent les têtes-poubelles des intellectuels.
Nous incitons l’individu et les masses à déchaîner leurs instincts contre toute forme de répression incluant la « raison » répressive de l’ordre bourgeois.
Les grandes valeurs des classes dominantes (la patrie, la famille, la religion, l’école, la caserne, les églises, les mosquées et autres pourritures) nous font rire. Nous pissons joyeusement sur leurs tombes.
Nous crachons sur la patrie arabe jusqu’à la noyer dans la fumée de la mort non seulement parce que nous combattons l’idée de patrie, mais aussi parce que l’affirmation d’une patrie est une insulte à l’universalité de l’homme.
Nous pratiquons l’acte subversif 24 heures sur 24. Nous excitons les penchants sadiques contre tout ce qui est établi, non seulement parce que nous sommes les ennemis de ce nouvel âge de pierre qui nous est imposé, mais surtout parce que nous découvrons des dimensions nouvelles dans notre activité subversive.
Nous contaminons l’atmosphère intellectuelle avec l’élixir de l’imagination jusqu’à ce que le poète se réalise lui-même en réalisant la transformation historique de la poésie :
– d’une forme en une matière
– de simples mots accrochés au vestiaire de papier, en chair désirable de l’imagination que nous absorbons jusqu’à la dissolution de tout ce qui sépare le rêve de la réalité. Le surréalisme n’est rien d’autre que la réalisation de cette surréalité !
Nous ferons exploser les mosquées et les rues par le scandale du retour du sexe au corps qui s’enflamme dans chaque rencontre jusque-là secrète.
Nous libérons le langage des prisons et des marchés boursiers de la confusion capitaliste. Il est clair que le langage d’aujourd’hui, au lieu d’être une force d’agitation dans le processus de transformation sociale et un vocabulaire d’attaques révolutionnaires, n’est que vocables dociles encombrés dans les entrepôts du cerveau humain avec le seul but de conduire l’individu à prouver sa subordination totale aux lois de la société dominante – tel un avocat dans la cour de la réalité quotidienne, la répression. Le surréalisme est une intrusion violente dans ce spectacle abject pour annihiler tous les obstacles qui entravent « le fonctionnement réel de la pensée » (A. Breton).
Quand nous écrivons, notre mémoire éructe la langue du vieux monde. C’est un jeu dans lequel nos langues deviennent capables de réinventer le langage au cœur de la révolution.
Notre surréalisme signifie la destruction de ce qu’ils appellent la patrie arabe. Dans ce monde de la survie masochiste, le surréalisme est une façon offensive mais poétique de vivre. C’est la flamme interdite du prolétariat qui embrase l’aube insurrectionnelle afin de retrouver le moment révolutionnaire : le rayonnement des conseils ouvriers comme une mode de vie profondément adorée par les amoureux !
Notre surréalisme, dans l’art comme dans la vie, est une révolution permanente contre le monde des esthétiques et des autres catégories atrophiées ; il prône la destruction et l’éradication des inhibitions et de toutes autres forces rétrogrades !
La subversion est inhérente au surréalisme comme l’histoire à ses événements.
Maroine Dib (Syrie), Abdul Kader El Janabi (Irak), Faroq El Juridy (Liban), Fadel Abbas Hady (Irak), Farid Lariby (Algérie), Ghazi Younes (Liban).
Arsenal : Surrealist Subversion, n° 3, 1976.
(Traduit de l’anglais par Mona-Akej)