Le texte publié par Lutte ouvrière dans sa revue mensuelle mérite à l’évidence notre attention parce qu’il pose des problèmes réels. On peut certes être en désaccord avec tel ou tel détail de l’argumentation, mais l’ensemble vise juste et il doit être examiné avec sérieux. Qu’il ait immédiatement provoqué dans certains milieux d’extrême-gauche, et parmi certains camarades du NPA, des réactions pour le moins caricaturales et épidermiques, ne peut être compris que comme le symptôme qu’il y a précisément de ce côté un choix - et pour tout dire une dérive - qu’il faut prendre le temps d’élucider.
La prise de position de Lutte ouvrière de ce point de vue ne souffre pas d’ambiguïté, tant sur la question du racisme envers les musulmans, l’usage à géométrie variable de la laïcité, que l’existence d’une oppression spécifique qui n’a rien à envier à l’antisémitisme : « Cette récupération de la question du voile, de la burqa ou du burkini par des politiciens qui se moquent de l’oppression des femmes et ne sont laïcs que lorsqu’ils parlent de l’islam, est choquante. C’est une campagne raciste ». Avant d’ajouter un peu plus loin : « il est compréhensible que nombre de jeunes se sentent victimes d’une oppression spécifique, qui existe bel et bien. Comment admettre que les politiciens de droite, qui hurlent à la laïcité et veulent interdire les menus de substitution dans les cantines, soient les mêmes qui combattent pour permettre l’installation de crèches de Noël dans le hall de leur mairie ? La laïcité des politiciens bourgeois d’aujourd’hui est à géométrie variable, et elle est tournée contre la religion musulmane, comme elle l’a été en d’autres temps contre les Juifs ».
Cela étant dit, les questions posées par l’article parlent d’autre chose, et c’est aussi légitime. Des questions qui sont loin d’opposer d’un côté LO et de l’autre le NPA, puisque c’est aussi un débat au sein du NPA.
Une discussion qui traverse les organisations
Le texte de LO s’articule essentiellement autour de deux propositions.
La première est de savoir s’il est « possible de lutter à la fois contre les discriminations racistes et contre la religion »… S’il est possible et s’il est nécessaire, faudrait-il rajouter, ce qui renvoie à un vieux débat sur la place que doit occuper ou non la lutte anti-religieuse pour une organisation marxiste révolutionnaire, problème déjà abordé au sein du NPA mais jamais de manière satisfaisante, alors même qu’il a pris une dimension particulière dans le contexte actuel.
Un débat qui a également des incidences très pratiques comme l’usage du mot « islamophobie ». Or l’usage des mots a une importance toute particulière ici, et nous sommes nombreux au sein du NPA à refuser d’utiliser ce terme et à partager avec les camarades de Lutte ouvrière le souci de ne pas nous incliner devant ce qu’on peut appeler une « escroquerie » lorsqu’elle joue sciemment avec une ambiguïté : « Nous rejetons et combattons les discriminations qui peuvent s’exercer à l’encontre des musulmans, parce que nous sommes pour la liberté de culte. Mais nous sommes athées, opposés à toutes les religions. Et l’équation, imposée par les islamistes et leurs amis, selon laquelle lutter contre la religion musulmane signifierait être raciste, est une escroquerie ».
La deuxième question est de savoir auprès de qui, et de quelle manière, on doit lutter contre le racisme, y compris lorsqu’il prend cette forme particulière de discrimination et de haine envers les musulmans, en tant que tels, ou supposés tels. Cela rejoint en partie la question de savoir si on peut « combattre l’oppression en défendant une autre forme d’oppression ».
De manière plutôt positive, le texte rappelle qu’un certain nombre d’initiatives ont été prises depuis janvier 2015 dans le contexte des attentats puis de l’état d’urgence, et qu’en la matière, sur le fait d’y participer ou pas, il n’y a pas de règle absolue : « Ces différentes initiatives ne prêtent pas forcément à la critique (…) La question est de savoir qui organise ces initiatives, quelles idées s’y expriment, et ce que des militants qui se disent d’extrême-gauche y font et y disent ». Or nous avons été également un certain nombre à discuter de cette manière au sein du NPA en rappelant que le problème n’est pas en soi de savoir si on va partager une liste de signataires ou une tribune avec Tariq Ramadan, mais bien ce qu’on va dire au nom du NPA alors que nous avons de graves désaccords entre nous, et c’est tout le problème.
Le propos de Lutte ouvrière est aussi de souligner jusqu’où peuvent aller les dérives de certaines organisations, de leurs animateurs et animatrices : UOIF, CCIF, PSM, PIR… Egalement lorsqu’on en est à vanter les mérites et les vertus du « camp d’été décolonial » tenu à Reims en août 2016, ou les propos d’Houria Bouteldja maintes fois répétés, qui ne sont ni anecdotiques ni des dérapages[1]. Il y a effectivement des lignes rouges qu’il n’est pas possible de franchir parce certains propos appellent explicitement à la haine en divisant notre propre camp social, et de ce point de vue, tout ne se vaut pas entre courants plus ou moins fréquentables, ou non.
On peut certes rappeler qu’une politique unitaire regroupe par définition des organisations et des gens qui n’ont pas les mêmes idées que nous. Mais elle devient fausse lorsqu’on se retrouve ensemble avec des organisations dont les idées entrent directement en contradiction avec les nôtres, lorsqu’on est confronté à « des propos qui devraient suffire, lorsqu’on est communiste révolutionnaire, à s’interdire de faire tribune commune avec ceux qui les profèrent et qui sont pour nous ni plus ni moins que des ennemis politiques ». C’est un autre point d’accord que nous sommes un certain nombrer au sein du NPA à partager avec les camarades de Lutte ouvrière.
Une bien étrange manière de polémiquer
Le texte que vient de publier quatre camarades du NPA (Julien salingue, Christine Poupin, Ugo Palheta et Selma Oumari) sous le titre « Combat contre l’islamophobie : quand Lutte ouvrière inverse la hiérarchie des normes » se veut sans doute une réponse approprié aux « attaques » de LO. Mais le parti pris est pour le moins étonnant lorsqu’ils en arrivent à accuser LO de vouloir « délégitimer par avance ceux qui mènent ces combats » (contre « l’islamophobie »), ce qui revient à dire que le débat sur le fond ne serait finalement qu’un « prétexte ».
Or les mêmes camarades vont ensuite beaucoup plus loin : après avoir rappelé que certains propos de LO n’auraient « rien à envier à ceux tenus par tant d’idéologues – de Fourest à Valls en passant par Finkielkraut, Zemmour et Badinter – qui travaillent depuis le milieu des années 1990 à transformer la laïcité et/ou le féminisme en instruments de stigmatisation et d’exclusion des musulmans, et singulièrement des musulmanes », les auteurEs n’hésitent pas en effet à expliquer que LO aurait aussi sa part de responsabilité dans le développement de « l’islamophobie » : « Toute une partie de la gauche et de l’extrême gauche – dont LO – a bel et bien été impliquée dans la mise en avant de thématiques identitaires et dans le développement de l’islamophobie au cours des 15 dernières années, passant notamment par l’exclusion et le mépris de la parole des personnes concernées (en premier lieu les musulmanes) ».
On ne saurait guère aller plus loin dans une telle « inversion » des normes ou plutôt des pôles, en démontrant jusqu’à l’absurde que nos meilleurs ennemis seraient à l’extrême gauche.
C’est d’autant plus insupportable que la « parole » dont il s’agit est celle de certaine responsables associatives, bien identifiées mais malheureusement trop rapidement considérées ou auto-proclamées comme les représentantes légitimes des femmes musulmanes (et partant des femmes d’origine immigrée, par réductions successives de cette immigration autour d’une « identité » religieuse).
Faut-il dans ce cas renoncer à toute polémique sous prétexte d’avoir peur d’être récupérés par les réactionnaires ? Ou être accusés à son tour de racisme ? Le procédé est détestable, et il ne vise pas que Lutte ouvrière, car c’est aussi une certaine façon de discuter au sein du NPA en abusant de ce genre d’amalgames.
Cela étant, il y a bien sûr un débat sur le fond
Religion, parti révolutionnaire et marxisme
La citation de texte, généralement emprunté pour son autorité supposée, fait partie des incontournables. Nous commencerons donc par là.
Le texte publié par Lénine en 1909 et cité par les camarades[2], mérite cependant d’être relu attentivement, mais dans son ensemble et non par petits bouts, en prenant soin également de le situer dans son contexte : avec qui Lénine est-il en train de polémiquer exactement ? Pour résoudre quel problème, à ce moment précis ?
En apparence, le texte est équilibré entre deux pôles contraires : d’un côté les sectaires et de l’autre les opportunistes. Mais ce que cherche à discuter à ce moment-là Lénine n’est pas en priorité la propagande abstraite des anarchistes et des blanquistes contre la religion, ou les opérations de diversion de certains courants républicains bourgeois, en France notamment. C’est pour le coup « clairement l’indifférence, si l’on peut dire, excessive, des social-démocrates européens envers la question de la religion ».
Lénine ne se contente pas de rappeler que le parti révolutionnaire n’est nullement laïc à la différence de l’Etat, et qu’il est aussi un parti ouvertement athée : « la social-démocratie considère la religion comme une affaire privée en face de l’Etat, mais non envers elle-même, non envers le marxisme, non envers le parti ouvrier (…) Le marxisme est un matérialisme. A ce titre il est aussi implacablement hostile à la religion que le matérialisme des encyclopédistes du XVIII° siècle ou le matérialisme de Feuerbach ». Il ne dénonce pas seulement la religion en tant que telle (et pas uniquement l’attitude de telle ou telle église). Il propose aussi une méthode dont il vaut mieux ne pas en oublier une partie en cours de route.
Certes comme aiment à le rappeler les camarades, la lutte contre la religion est une lutte pratique et pas seulement théorique ou abstraite, « la propagande athée » du parti doit même être « subordonnée à sa tâche fondamentale, à savoir : au développement de la lutte des masses exploitées contre les exploiteurs ».
Mais subordonnée ne veut pas dire absente de l’activité politique quotidienne. Et ce n’est pas un petit problème lorsqu’on finit par rabattre l’une sur l’autre en abandonnant toute lutte politique, y compris contre des courants politico-religieux organisés au sein de notre classe, qui y défendent des idées conservatrices et réactionnaires sur le plan social et politique, mais que des organisations comme le CCIF et le PIR entre autre ne veulent surtout pas voir, sinon comme un fantasme des « islamophobes ».
Un déni accompagné et justifié par certains à l’extrême-gauche. Et un opportunisme que Lénine décrivait à son époque en ces termes, en dénonçant (toujours dans le même texte de 1909) « le philistinisme et l’opportunisme du petit bourgeois ou de l’intellectuel libéral qui redoute la lutte contre la religion, oublie la mission qui lui incombe dans ce domaine, s’accommode de la foi en Dieu, s’inspire non pas des intérêts de la lutte de classe mais d’un mesquin et misérable calcul : ne pas heurter, ne pas repousser, ne pas effaroucher, d’une maxime sage entre toutes : vivre et laisser vivre ».
On ne saurait mieux dire. Car cela évoque tout aussi bien des expériences plus récentes que celles du passé, par exemple lorsqu’on a fini par confondre au NPA la lutte contre le racisme avec des meetings communs avec les organisations précitées qui ne nous tolèrent que parce que nous n’allons jamais les critiquer ouvertement. Ou encore le travail d’implantation dans les quartiers populaires, mené parfois avec une démagogie sans limite, comme on l’a vu notamment à Avignon en 2009 envers quelques militants associatifs, lesquels se donnaient pour but explicite de vérifier s’il était possible au sein du NPA, et en son nom, de parler et d’agir « en tant que musulmanEs »[3].
Bref des choix où l’on retrouve cette idée qui n’a pas grand-chose à voir avec le marxisme, qu’il ne faudrait pas trop polémiquer pour ne pas faire fuir, tout en confondant quelques représentants autoproclamés avec les masses elles-mêmes, et des groupuscules avec ce que devrait être - ou ce que l’on croit être - « l’auto-organisation » des oppriméEs…
Car il y a bien un deuxième problème parfaitement arrimé au précédent, et toujours en référence avec notre bon vieux Lénine. Une vieille polémique en réalité, complètement défraichie et usée jusqu’à la corde, avec toujours la même incompréhension du « Que faire ? » paru en 1901, et ses quelques citations censées expliquer que LO ne ferait pas de politique et serait tombée (déjà toute petite ?) dans le piège du « trade-unionisme ». Entendez par là, le choix de ne pas faire de la lutte contre « l’islamophobie » (et donc contre le racisme, puisqu’un trait d’égalité est pratiquement tiré entre les deux selon nos auteurEs) le combat politique prioritaire de l’heure.
Pourtant ce qui frappe, c’est le raisonnement à géométrie variable que l’on trouve chez certainEs camarades du NPA et dans ce texte. Une partie de la classe ouvrière est influencée par les idées du Front national ? Il ne faudrait surtout pas croire que les luttes en tant que telles pourraient faire reculer les idées racistes, c’est aussi et surtout un combat politique et idéologique spécifique que LO ne mène pas en restant dans les usines (sans qu’on voit d’ailleurs très bien le rapport entre les deux).
Mais une autre faction de la classe ouvrière d’origine immigrée se retrouverait à des degrés divers sous la coupe de militants religieux ? Il ne faudrait surtout pas contester leur influence politique (quand il ne s’agit pas tout simplement de nier cette réalité).
Ainsi selon ces camarades du NPA, peu importe de qui dirige les luttes, notamment lorsqu’il s’agit de lutter contre l’oppression spécifique des musulmans (celles des Asiatiques ou des Juifs n’existant pas dans leur raisonnement). Entrer en concurrence politique ouvertement serait agir en « donneur de leçons ». Le bon militant marxiste, en bon dialecticien, devrait tout faire au contraire pour laisser s’enclencher une telle dynamique (qui n’est rien d’autre en réalité qu’une préemption de courant politiques hostiles sur notre classe !). Car une telle dynamique serait censée accroître les capacités de lutte, et donc la possibilité de dépasser miraculeusement toutes les contradictions, parce que ce soi-disant moment « d’auto-organisation » serait essentiel, « stratégique pour mettre en confiance les éléments les plus opprimés, mais aussi souvent les plus combattifs du prolétariat ».
Le renoncement politique devient ainsi une forme de pensée magique accrochées aux luttes qui devraient permettre de surmonter –du fait de leur seule dynamique - les contradictions, à rebours du raisonnement de Lénine dans « Que faire ? » évoqué plus haut : « Tout mouvement contre l’oppression, et ce quand bien même ses animateurs/trices ne prétendraient pas poursuivre cet objectif, favorise donc un plus haut niveau d’unité de la classe des exploité-e-s, même lorsqu’il paraît au premier abord la diviser ».
Qu’importe donc si les luttes en question sont animées par des adversaires politiques qui ont de tout autres objectifs. Et qu’importe si dans ce raisonnement, il manque juste un détail : le parti révolutionnaire et sa politique indépendante, sa capacité à défendre et à convaincre de sa politique. C’est « l’action » qui pourvoira. Alléluia !
Le raisonnement ne fait pas que tourner le dos aux idées que défendait Lénine en son temps (ce qui au demeurant n’est pas grave en soi, si on pense que Lénine raconte des bêtises). Mais c’est aussi une négation pour le moins paradoxale de certains raisonnements chez Marx, lorsque la dialectique se révèle une fois de plus un outil à temps partiel que l’on use (ou pas) selon les besoins du moment.
C’est ainsi qu’il faudrait selon certainEs camarades du NPA considérer de manière radicalement différente l’islam lorsque elle est une religion « opprimée par l’Etat » (comme en France), ou lorsque elle est « une religion qui est un outil de l’oppression de l’Etat » (comme en Arabie Saoudite… mais pourquoi aller aussi loin ? Pourquoi pas en Algérie ou au Maroc ?).
Dans ce raisonnement qui ressemble surtout à une forme assez classique de campisme (en guise de dialectique), il faudrait donc au passage se fiche comme d’une guigne des conséquences et de l’impact de certains de nos choix, et abandonner tout souci de cohérence dans la politique que l’on mène en direction de la classe ouvrière, qu’elle soit d’origine française ou immigrée ici en France, ou de part et d’autre de la méditerranée. Peu importe si notre affichage aux côtés du PIR ou de quelques autres organisations du même genre, sans l’ombre d’une discussion, ne peut que faciliter le travail du Front national et agir comme un repoussoir. Et peu importe les dégâts que cela peut faire au sud de la méditerranée alors que les informations, les populations, et les militants circulent en permanence. Ce n’est malheureusement qu’une conséquence inévitable de choix qui auront été faits au nom du NPA lorsqu’on n’a ni politique indépendante, ni politique cohérente pour la classe ouvrière prise dans son ensemble.
Pourtant, et d’un autre côté, il faudrait abandonner tout raisonnement dialectique lorsque on parle de la religion dans son rapport avec la question sociale. Il faudrait alors considérer la religion de manière parfaitement unilatérale et mécaniste, comme un simple « véhicule », ou un « langage », une sorte d’enveloppe neutre qui porterait, exprimerait à certaines occasions, la révolte sociale. Alors pourquoi s’embarrasser avec si peu ? On comprend dans ce cas que les camarades aient si peu d’intérêt pour cette question. Comme le voile islamique lui-même, ou le burkini : ce serait juste un vêtement parmi d’autres, qu’il ne faudrait pas « essentialiser », et donc sans significations ni contenu à priori pour celles et ceux qui les portent [4].
Il suffit pourtant de relire le « 18 Brumaire » pour comprendre à quel point les idéologies ou les symboles portés par des courants politiques ne sont pas de simples enveloppes évanescentes, ni des valises sans contenu, ni non plus de simples décalques des intérêts de classes. Ils influent toujours de manière significative sur le contenu et les objectifs d’un combat, ils le transforment en profondeur lorsque ce dernier exprime des aspirations sociales. Nous obligeant par là-même à mener la lutte politique sans relâche, à toutes les étapes, pour nos idées, nos conceptions, notre vision du monde, nous obligeant de cette façon à discuter de tout, nécessairement, parce que tout le monde discute de tout, évidemment. On ne pourra pas jouer éternellement les autruches.
Il faut donc le redire une nouvelle fois : il n’y aura pas de décantation miraculeuse du fait de la seule dynamique des luttes, ni non plus par « transcroissance » pour reprendre une expression chère au courant dont est issu la LCR : ni avec les religieux qui ont leur propre agenda, ni avec les réformistes qui n’attendent pas non plus la veille de la révolution pour cadenasser les luttes sur des terrains et dans un cadre bien précis. Pas plus qu’il n’y avait à se fier à une quelconque dynamique miraculeuse pour transformer en révolution socialiste le combat des nationalistes bourgeois du FLN (ou dans bien d’autres situations coloniales où le combat pour une politique indépendante du prolétariat aurait été crucial dès le début). Quelles que soient les circonstances rapidement évoquées ici dans leur diversité, c’est un même raisonnement et une même dérive qui ont traversé les âges et toutes sortes de situations variées dans un passé proche ou lointain, mais toujours avec la même méthode, et un bilan toujours aussi catastrophique, bien avant que ne se pose la question de l’état d’urgence, les attentats, et les guerres impérialistes actuelles : celui de donner une apparence de couleur démocratique à ce qui n’est rien d’autre qu’un renoncement politique.
On peut toujours essayer de le cacher avec de belles formules, en réalités assez mensongères. Mais la vérité est toute autre lorsque le prétendu internationalisme finit par se réduire à l’expression d’une solidarité avec la politique des autres, et donc à une forme d’alignement, ou lorsqu’on parle d’une prétendue auto-organisation des opprimés par eux-mêmes que d’autres savent en fait très bien organiser, mais pour mener une politique qui n’a rien à voir avec la nôtre et qui est antagonique.
[1] Des propos notés par LO parmi bien d’autres citations possibles, mais qui ne semblent pas intéresser ses contempteurs. Il est vrai qu’au NPA, certains camarades ont un humour pour le moins étrange. Ainsi l’InfosCE du 23 décembre 2015 invitait les militantEs du NPA à assister à la rencontre nationale migrations-antiracisme fin janvier, avec au programme de 17h30 à 19h la précision suivante : « AG des non-blanc-he-s (les autres préparent le buffet !) ».
[2] Lénine : De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion. Ouvres tome XV (mars 1908-août 1909).
[3] Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’au final, le bilan de LO en matière de recrutement de jeunes d’origine maghrébine dans les milieux ouvriers et populaires semble être nettement plus convaincant au travers de son travail opiniâtre d’implantation sur les lieux de travail à PSA ou ailleurs. Ce qui n’empêche pas d’avoir ensuite des relais efficaces dans les quartiers, bien au contraire, sans avoir besoin d’utiliser des raccourcis qui se sont révélés désastreux à tous égards.
[4] Ce qui permet ensuite de se cantonner à cette symétrie bien mensongère : « Nous sommes tout aussi opposé-e-s à ceux qui veulent imposer à une femme de porter tel ou tel vêtement qu’à ceux qui veulent lui imposer de le retirer ». Renvoyer dos à dos ceux qui veulent imposer leur vue aux femmes est une chose, un point de vue d’ailleurs partagé par tout le monde au NPA. Mais mettre un trait d’égalité entre le fait d’adopter ou d’enlever un habit qui est évidemment un signe d’oppression pour les femmes jamais vraiment à leur place dans l’espace publique, et tout cela sous couvert de religion, est un autre problème. Lequel finit par en poser rapidement d’autres, car les mêmes qui militent activement pour que ces « bonnes pratiques » se répandent le plus possible au nom de l’islam, généralement ne s’arrêtent pas en si bon chemin, même si c’est pour l’instant avec moins de succès : non-mixité dans les piscines, ou dispense de cours en EPS ou en SVT (en particulier lorsque les séances sont consacrées à l’évolution ou à l’éducation sexuelle). On n’a pas encore entendu les camarades dire avec précision si pour eux, cela pouvait être ou non un problème, et donc un combat politique à mener, même lorsque c’est un « choix » librement consenti des personnes concernées.