Cet article fait partie d’une série exprimant une critique anarchiste de la démocratie.
De nos jours, la démocratie domine le monde. Le communisme est mort depuis longtemps, des élections ont lieu même en Afghanistan et en Irak et les dirigeant.e.s mondiaux se réunissent pour planifier la « communauté mondiale » dont nous entendons tant parler. Alors, pourquoi tout le monde n’est-il pas enfin heureu.x.ses ? D’ailleurs, pourquoi si peu d’élec.teur.trice.s éligibles aux États-Unis, prennent-iels la peine de voter ?
Se pourrait-il que la démocratie, qui fût longtemps le mot clé de chaque révolution et de toute rébellion, ne soit tout simplement pas assez démocratique ? Quel pourrait être le problème ?
Chaque petit-e enfant peut devenir président-e.
Non, iels ne peuvent pas. Être président.e signifie occuper une position de pouvoir hiérarchique, tout comme être un.e milliardaire : pour chaque président.e, il doit y avoir des millions de personnes qui ne le sont pas. Ce n’est pas un hasard si les milliardaires et les président.e.s ont tendance à se côtoyer : les deux existent dans un monde privilégié, inaccessible au reste d’entre nous. En parlant de milliardaires, notre économie n’est pas tout à fait démocratique : le capitalisme distribue les ressources dans des proportions absurdement inégales et vous devez commencer par avoir ces ressources si vous voulez être élu.e.
Même s’il était vrai que n’importe qui pourrait devenir Président.e, cela ne serait d’aucune aide pour les millions de personnes qui ne le seraient forcément pas, qui devraient encore vivre dans l’ombre de ce pouvoir. Ce déséquilibre est intrinsèque à la structure de la démocratie représentative, tant au niveau local qu’au sommet. Les politicien.e.s professionnel.le.s d’un conseil municipal discutent des affaires municipales et adoptent des ordonnances toute la journée sans consulter les citoyen.ne.s de la ville, qui se doivent d’être au travail à ce moment là ; lorsqu’une de ces ordonnances déplaît aux citoyen.ne.s, iels doivent utiliser le peu de temps dont iels disposent pour la contester, puis iels sont de retour au travail lorsqu’a lieu la réunion suivante du conseil municipal. En théorie, les citoyen.ne.s pourraient élire un conseil municipal différent du groupe disponible de politicien.ne.s et d’aspirant.e.s politicien.ne.s, mais les intérêts des politicien.ne.s en tant que classe resteraient toujours fondamentalement en contradiction avec les leurs – De plus les fraudes électorale, les manipulations et la loyauté insensée à leurs partis. les empêchent généralement d’aller aussi loin. Même dans le cas improbable où un nouveau gouvernement serait élu, composé d’incendiaires ayant pour objectif de corriger le déséquilibre des pouvoirs entre politiques et citoyen.ne.s. Iels le perpétueraient inévitablement simplement en acceptant des rôles dans ce système – car l’appareil politique lui-même est à la base déséquilibré. Pour atteindre leur objectif, iels devraient dissoudre le gouvernement et rejoindre le reste de la population dans la restructuration de la société à sa base.
Mais même s’il n’y avait pas de président.e ou de conseil municipal, la démocratie telle que nous la connaissons constituerait toujours un obstacle à la liberté. La corruption, les privilèges et la hiérarchie mis à part, la règle de la majorité est non seulement intrinsèquement oppressive mais aussi, paradoxalement, source à la fois de discorde et d’homogénéisation.
La tyrannie de la majorité
Si jamais vous vous retrouviez dans une minorité très largement en sous-nombre et que la majorité votait pour que vous deviez renoncer à des choses aussi vital que l’eau et l’air, le feriez-vous ? En fin de compte, est-ce que quelqu’un.e pense vraiment qu’il est logique d’accepter l’autorité d’un groupe simplement parce qu’il est plus nombreux que tout les autres ? Nous n’acceptons la domination de la majorité que parce que nous ne pensons pas qu’elle nous menacera – et celleux qui sont menacé.e.s sont déjà réduit.e.s au silence avant que quiconque puisse entendre leurs craintes.
Le/la citoyen.ne moyen.ne, qui se prétend respectueu.x.se.s de la loi, ne se considère pas menacé par la domination de la majorité car, consciemment ou non, iel s’imagine comme ayant le pouvoir et l’autorité morale de la majorité : si ce n’est dans les faits, en raison de son caractère politique et social « modéré », alors théoriquement, car iel pense que tout le monde serait convaincu de leurs arguments si seulement iel avait la possibilité de les exposer. La démocratie majoritaire a toujours reposé sur la conviction que, si tous les faits étaient connus, tout le monde pourrait être persuadé qu’il n’y a qu’une seule bonne façon d’agir – sans cette conviction, cela ne serait rien de plus que la dictature du troupeau. Mais même si « les » faits pouvaient être expliqués de la même manière par tout le monde, en supposant que cela soit possible, les personnes auraient toujours leurs perspectives, leurs motivations et leurs besoins individuels. Nous avons besoin de structures sociales et politiques qui tiennent compte de cela, dans lesquelles nous sommes libérés du régime de la foule majoritaire et de l’ascendance de la classe privilégiée.
Vivre sous un régime démocratique apprend aux gens à penser en termes de quantité, à se concentrer davantage sur l’opinion publique que sur ce que leur conscience leur dit, à se considérer comme impuissant.e.s à moins d’être plongé.e.s dans une masse. La démocratie de la majorité est fondée sur la concurrence : la concurrence pour persuader tou.te.s les autres de défendre votre position, que ce soit dans leur intérêt ou non, la concurrence pour constituer une majorité afin d’exercer le pouvoir avant que d’autres ne le prennent – et aux perdant.e.s (c’est-à-dire, les minorités) d’être foutu. De la même façon, la domination de la majorité oblige celleux qui souhaitent le pouvoir à faire appel au plus petit dénominateur commun, précipitant ainsi la politique dans une course vers le bas qui récompense le plus fade, le plus superficiel et le plus démagogique ; sous la démocratie, le pouvoir lui-même est associé à la conformité plutôt qu’à l’individualité. Et plus le pouvoir est concentré entre les mains de la majorité, moins une personne peut faire seule, qu’elle fasse partie ou non de cette majorité.
En prétendant donner à tou.te.s la possibilité de participer, la démocratie majoritaire offre une justification parfaite pour réprimer celleux qui ne respectent pas ses diktats : s’iels n’aiment pas le gouvernement, pourquoi ne se lancent-ils pas dans la politique ? Et s’iels ne gagnent pas au jeu de la constitution d’une majorité pour exercer le pouvoir, n’ont-iels pas eu leur chance ? C’est le même raisonnement qui consiste à blâmer les victimes qui est utilisé pour justifier le capitalisme : si le/la plongeur.euse d’un resto n’est pas satisfait.e de son salaire, iel devrait travailler plus dur pour pouvoir elle-lui aussi posséder une chaîne de restaurants. Bien sûr, tout le monde a une chance de participer à la compétition, même si elle est inégal – mais qu’en est-il de celleux d’entre nous qui ne veulent pas y participer, qui n’ont jamais voulu que le pouvoir soit centralisé entre les mains d’un gouvernement ? Et si nous ne nous soucions pas de gouverner ou d’être gouvernés ?
C’est à cela que servent la police, les tribunaux, les juges et les prisons.
Tu ne monteras jamais sur la scène
L’état de droit
Même si vous ne pensez pas que leur objectif est de résoudre les problèmes de non-conformité partout où ils se manifestent, vous devez reconnaître que les institutions juridiques ne peuvent pas se substituer à l’équité, au respect mutuel et à la bonne volonté. La règle de « la loi juste et égal pour tou.te.s », fétichisée par les actionnaires et les propriétaires dont elle protège les intérêts, n’offre aucune garantie contre les injustices ; cela crée simplement un autre domaine de spécialisation, dans lequel le pouvoir et les responsabilités sont cédés à des avocat.e.s coûteu.x.ses et à des juges pompeu.x.ses. Plutôt que de protéger nos communautés et de résoudre les conflits, cet arrangement garantit que les compétences de nos communautés en matière de résolution de conflits et de légitime défense s’atrophient, et que les personnes dont la profession est censée décourager le crime aient intérêt à le faire proliférer, car leur carrière en dépend.
Ironiquement, on nous dit que ces institutions doivent protéger les droits des minorités – même si la fonction implicite des tribunaux est, au mieux, d’imposer les lois dictées par la majorité à la minorité. En réalité, une personne ne peux recourir aux tribunaux pour défendre ses droits que lorsqu’elle est en mesure d’exercer suffisamment de pression sur eux d’une manière qu’ils reconnaissent ; grâce au capitalisme, seule une minorité peut le faire. De sorte qu’il s’avère que, d’une manière détournée, les tribunaux existent pour protéger les droits d’au moins une certaine minorité.
La justice ne peut être établie par la simple élaboration et application de lois ; de telles lois ne peuvent qu’institutionnaliser ce qui est déjà la règle dans une société. Le bon sens et la compassion sont toujours préférables à l’application de réglementations strictes et impersonnelles. Lorsque la loi est le domaine privé d’une élite investie dans sa propre perpétuation, les personnes sensibles et compatissantes sont destiné.e.s à devenir des accusé.e.s ; nous avons besoin d’un système social qui favorise et récompense ces qualités au lieu de l’obéissance aveugle et de l’impassivité.
Vous ne serez jamais l’un.e d’elleux
Contrairement aux formes de prise de décision dans lesquelles les besoins de chacun.e importent, la marginalisation des perdant.e.s et des exclu.e.s est un élément central de la démocratie. Il est notoire que dans l’Athènes antique, « le berceau de la démocratie », à peine un huitième de la population était autorisé à voter, car les femmes, les étrangers, les esclaves et d’autres étaient exclus de la citoyenneté. C’est généralement considéré comme une faille précoce de la démocratie qui a été réglé avec le temps, mais on pourrait également en conclure que l’ exclusion en elle même est la caractéristique la plus essentielle et la plus constante de la démocratie : des millions de personnes vivant aux États-Unis aujourd’hui n’ont pas le droit de voter et les distinctions entre citoyen.ne.s et non-citoyen.ne.s ne se sont pas érodés de manière significative depuis 2500 ans. Tout propriétaire bourgeois.e peut trouver mille raisons pour lesquelles il n’est pas pratique de permettre à toutes les personnes concernées de prendre part à la prise de décision, tout comme aucun.e patron.ne ni aucun bureaucrate ne rêverait de donner à ses employé.e.s une voix égale dans les décision sur leur lieu de travail, mais cela ne la rendrait pas moins exclusive. Et si la démocratie qui a émergée en Grèce n’était non pas une étape du progrès de l’humain.e vers la liberté, mais un moyen de garder le pouvoir à l’écart de certaines personnes ?
La démocratie est le moyen le plus durable de maintenir la division entre puissant.e.s et marginalisé.e.s, car elle incite le plus grand nombre de personnes possible à défendre cette division.
C’est pourquoi le point culminant de la démocratie – son ascendant actuel dans le monde entier – correspond à des inégalités sans précédent dans la répartition des ressources et du pouvoir. Les dictatures sont intrinsèquement instables : vous pouvez massacrer, emprisonner et soumettre des générations entières à un lavage de cerveau. Leurs enfants réinventeront une fois de plus la lutte pour la liberté. Mais promettez à chaque humain.e la possibilité d’être un.e dicta.teur.trice, de pouvoir imposer la « volonté de la majorité » à ses semblables plutôt que de régler ses différends comme un.e adulte mûr, et vous pourrez construire un front commun d’intérêt personnel destructeur contre la coopération et la collectivité qui rendent possible la liberté individuelle. Tant mieux s’il y a des dictatures encore plus répressives dans les alentours pour pouvoir les désigner comme étant « l’alternative », de sorte que vous puissiez glorifier tout cela à l’aide d’une rhétorique de la liberté.
Ce ne sont pas vos votes mais vos dollars qui nous élisent
Maintenant, suspendons nos doutes quant à la démocratie, qui a assez durée, pour que nous nous demandions, s’il s’agissait d’ un moyen efficace de partager le pouvoir entre les individus, serait-elle compatible avec le capitalisme ? Dans une démocratie, les citoyen.ne.s informé.e.s sont censés voter en fonction de leur intérêt personnel éclairé – mais qui contrôle le flux d’informations, si ce n’est les riches dirigeant.e.s ? Iels ne peuvent s’empêcher de biaiser leur couverture en fonction de leurs intérêts de classe, et vous pouvez difficilement le leur reprocher : les journaux et les réseaux qui ne craignaient pas d’éloigner les annonceurs professionnels ont été jadis poussé à la faillite par des concurrents moins scrupuleux.
De même, voter signifie choisir entre des options, en fonction de celles qui semblent les plus souhaitables – mais qui définit les options, qui établit ce qui est considéré comme possible, qui construit le désir lui-même, si ce ne sont des riches patriarches de l’establishment politique et leurs ami.e.s dans les entreprises de publicité et de relations publiques ? Aux États-Unis, le système bipartite a réduit la politique à choisir le moindre de deux maux identiques, qui répondent tous deux en premier lieu à celleux qui les subventionnent avant qui que ce soit d’autres. Bien sûr, les partis divergent sur le niveau de répression des libertés individuelles ou sur le montant des dépenses en bombes – mais pouvons-nous voter pour déterminer qui contrôle les espaces “publics” tels que les centres commerciaux ou si les travailleur.euse.s ont droit à la totalité du produit de leur travail, ou toute autre question qui pourrait sérieusement changer notre façon de vivre ? Dans un tel état de fait, la fonction essentielle du processus démocratique est de limiter l’apparence de ce qui est possible au spectre étroit débattu par les candidat.e.s aux postes à pourvoir. Cela démoralise les dissident.e.s et contribue à l’impression générale qu’iels sont des utopistes marginaux – alors que rien n’est plus utopique que de faire confiance aux représentant.e.s de la classe possédante pour résoudre les problèmes causés par leur propre domination, et rien n’est plus impuissant que d’accepter leur système politique comme étant le seul possible.
En fin de compte, le processus politique démocratique le plus transparent sera toujours dominé par des questions économiques telles que la propriété privée. Même si nous pouvions réunir tout le monde, capitalistes et prisonnièr.e.s, en une vaste assemblée générale, qu’est-ce qui empêcherait la même dynamique qui régit le marché de déborder dans cet espace ? Tant que les ressources sont réparties de manière inégale, les riches peuvent toujours acheter les votes des autres : soit littéralement, soit en leur promettant une part du gâteau, ou bien au moyen de propagande et d’intimidation. L’intimidation peut être indirecte – « Ces radicaux veulent vous enlever votre propriété durement gagnée » – ou aussi évidente que les guerres sanglantes de gangs qui ont accompagnées les campagnes électorales dans les États-Unis du XIXe siècle.
Ainsi, même dans le meilleur des cas, la démocratie ne peut servir son prétendu objectif que si elle a lieu parmi celleux qui s’opposent explicitement au capitalisme et qui ont renoncé.e.s à ses bénéfices – et dans ces cercles, il existe des alternatives qui ont beaucoup plus de sens que la domination de la majorité.
Peu importe pour qui vous votez, le gouvernement gagne.
La liberté est une qualité d’activité, pas une condition qui existe dans le vide : c’est un prix à gagner tous les jours, pas une possession qui peut être conservée dans le sous-sol, sortie et lustrée pour des défilés. La liberté ne peut être donnée – le mieux que vous puissiez espérer est de libérer les autres des forces qui les empêchent de la trouver elleux-mêmes. La vraie liberté n’a rien à voir avec le vote ; être libre ne signifie pas simplement pouvoir choisir entre des options, mais en premier lieu participer activement à l’établissement de ces options.
Si la liberté pour laquelle tant de générations se sont battues et sont mortes est le mieux illustrée par une personne dans un isoloir cochant une case sur un bulletin de vote avant de retourner au travail dans un environnement qui n’est pas plus sous son contrôle qu’auparavant, alors cet héritage que nous ont léguées nos ancêtres luttant pour l’émancipation et nos grands-mères suffragettes n’est qu’un substitut factice à la liberté qu’iels recherchaient.
Pour une meilleure illustration de la vrai liberté en action, regardez le/la musicien.ne en train d’improviser avec ses compagnon.ne.s : dans une coopération joyeuse, apparemment sans effort, iels créent un environnement sonore et émotionnel, transformant le monde qui les transforme à son tour. Prenez ce modèle et étendez-le à chacune de nos interactions et vous obtiendrez quelque chose de qualitativement différent de notre système actuel : une harmonie dans les relations et l’activité humaines. Pour en arriver là, nous devons nous passer du vote en tant qu’expression archétypale de la liberté et de la participation.
“Regardez, une urne – la démocratie !”
La démocratie représentative est une contradiction.
Personne ne peut représenter votre pouvoir et vos intérêts – vous ne pouvez avoir le pouvoir qu’en l’exerçant, vous ne pouvez apprendre quels sont vos intérêts que si vous vous impliquez. Les politicien.ne.s font carrière en prétendant représenter les autres, comme si la liberté et le pouvoir politique pouvaient être détenus par procuration ; en fait, iels sont une classe de prêcheur.euse.s qui ne répond qu’à elle-même et leur existence même est la preuve de notre dépossessions .
Voter aux élections est une expression de notre impuissance : nous admettons que nous ne pouvons aborder la gestion des ressources et des moyens de notre société que par la médiation de cette caste de prêcheur.euse. Lorsque nous les laissons préfabriquer nos options à notre place, nous cédons le contrôle de nos communautés à ces politicien.ne.s, de la même manière que nous avons cédé la technologie aux ingénieur.euse.s, les soins de santé aux médecin.e.s et le contrôle de notre cadre de vie aux urbanistes et aux promoteur.euse.s immobiliers privés. . Nous finissons par vivre dans un monde qui nous est étranger, même si notre travail l’a construit, car nous avons agi tel des somnambules hypnotisés par le monopole de nos dirigeant.e.s et de nos spécialistes qui définissent les possibilités.
Mais nous ne sommes pas obligé.e.s de simplement choisir entre les candidat.e.s à la présidence, les marques de boissons gazeuses, les émissions de télévision et les idéologies politiques. Nous pouvons prendre nos propres décisions en tant qu’individus et en tant que communautés, nous pouvons créer nos propres boissons, nos structures sociales et notre pouvoir, nous pouvons établir une nouvelle société sur la base de la liberté et de la coopération.
Parfois, un.e candidat.e semble dire tout ce que les gens se disent depuis longtemps – iel semble être venu de l’extérieur du monde politique pour être vraiment l’ un.e de nous. En critiquant de manière convaincante le système dans le cadre de sa propre logique, iel persuade subtilement que le système peut être réformé – qu’il pourrait fonctionner si les bonnes personnes étaient au pouvoir. Ainsi, une grande partie de l’énergie qui aurait été nécessaire pour contester le système en lui-même est redirigée pour soutenir un.e autre candidat.e au poste, qui échouera inévitablement à tenir ses promesses.
Mais d’où viennent ces candidat.e.s – et plus important encore, leurs idées et leur élan - ? Comment se retrouvent-iels sous les projecteurs ? Iels ne reçoivent toute cette attention que parce qu’iels s’inspirent des sentiments populaires ; souvent, iels essaient explicitement de détourner l’énergie des mouvements sociaux existants. Alors, devrions-nous consacrer notre énergie à les soutenir ou poursuivre sur la lancée qui les a obligés à prendre des positions radicales ?
Plus souvent, nous sommes terrorisés, en nous concentrant sur le spectacle électoral, par la perspective d’être gouvernés par les pires candidat.e.s possibles. « Et s’iel accède au pouvoir ? » Nous pensons alors que les choses pourraient devenir encore pire !
Mais avant toute chose, le problème est que le gouvernement a déjà bien trop de pouvoir, si ce n’était le cas la personne qui tient les rênes n’aurait pas autant d’importance. Tant que ce sera le cas, il y aura toujours des tyran.ne.s. C’est pourquoi il est d’autant plus important de mettre notre énergie dans la solution durable qui consiste à s’opposer au pouvoir de l’État.
“Sois juste reconnaissant de vivre dans une démocratie !”
Consensus
La prise de décision par consensus est déjà pratiquée dans le monde entier, des communautés autochtones d’Amérique latine aux groupes d’action directe en Europe, en passant par les coopératives d’agriculture biologique en Australie. Contrairement à la démocratie représentative, les participant.e.s prennent part au processus de prise de décision de manière continue et exercent un réel contrôle sur leur vie quotidienne. Contrairement à la démocratie majoritaire, le processus de consensus valorise les besoins et les préoccupations de chaque individu de la même manière ; Si une personne est mécontente d’une résolution, il est de la responsabilité de tou.te.s de trouver une nouvelle solution acceptable pour tou.te.s. La prise de décision basée sur le consensus n’exige pas que quiconque accepte le pouvoir d’autrui sur ielle, mais exige que tout le monde prenne en compte les besoins de chacun.e ; ce qu’elle perd en efficacité, elle le décuple en termes de liberté et d’autonomie. Au lieu de demander aux gens d’accepter des leaders ou de trouver une cause commune par l’homogénéisation, un processus de consensus approprié intègre tout le monde dans le fonctionnement tout en permettant à chacun.e de conserver sa propre autonomie.
Qui a besoin de démocratie quand on peut se mettre d’accord ?
Autonomie
Pour être libre, vous devez avoir le contrôle de votre environnement immédiat et des questions fondamentales de votre vie. Personne n’est plus qualifié que vous pour décider de votre vie. personne ne devrait pouvoir voter sur ce que vous faites de votre temps et de votre potentiel, sauf si vous les y invitez. Revendiquer ces privilèges pour vous-même et les respecter chez les autres, c’est cultiver l’autonomie.
L’autonomie ne doit pas être confondue avec la soi-disant indépendance : en réalité, personne n’est indépendant.e, car nos vies dépendent toutes les unes des autres. 1 1.“L’homme occidental remplit son placard avec ses courses et se dit autosuffisant.” -Mohandas Gandhi Le glamour de l’autosuffisance dans une société concurrentielle est un moyen sournois d’accuser celleux qui n’exploitent pas les autres d’être responsables de leur propre pauvreté ; en tant que tel, c’est l’un des obstacles les plus importants à la construction d’une communauté. 2 2.Le mythe des politicien.ne.s selon lequel les « mères de l’assistance sociale » s’emparent des gains légitimes de citoyen.ne.s travaillant dur, par exemple, divise des individus qui pourraient autrement former des groupes coopératifs inutiles pour les politicien.ne.s.
À la différence de ce mirage occidental, l’autonomie offre une interdépendance libre entre les personnes qui partagent un consensus.
L’autonomie est l’antithèse de la bureaucratie. Il n’y a rien de plus efficace que les personnes agissant de leur propre initiative, et rien de plus inefficace que d’essayer de dicter les actions de chacun.e par la hiérarchie – A moins que votre objectif fondamental ne soit de contrôler d’autres personnes. La coordination hiérarchique n’est nécessaire que lorsque les personnes doivent faire quelque chose qu’elles ne feraient jamais de leur plein gré ; de même, l’uniformité obligatoire, même si elle est imposée horizontalement, ne peut dynamiser un groupe qu’en privant d’autonomie les individus qui le composent. Le consensus peut être aussi répressif que la démocratie, si les participant.e.s ne conservent pas leur autonomie.
Des individus autonomes peuvent coopérer sans s’accorder sur un programme commun, à condition que tout le monde tire profit de la participation de chacun.e. Les groupes qui coopèrent peuvent ainsi contenir des conflits et des contradictions, tout comme chacun.e de nous, tout en valorisant les participant.e.s. Laissons la marche sous un drapeau à l’armée.
Enfin, l’autonomie implique la légitime défense. Les groupes autonomes ont intérêt à se défendre contre l’ingérence de celleux qui ne reconnaissent pas leur droit à l’autodétermination et à élargir le territoire de l’autonomie et du consensus en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour détruire les structures coercitives.
Fédérations horizontales
Des groupes autonomes indépendants peuvent travailler ensemble dans des fédérations sans qu’aucun d’entre-eux ne détiennent l’autorité. Une telle structure semble utopique, mais elle peut en réalité être assez pratique et efficace. La distribution du courrier international et les voyages en train fonctionnent tous deux sur ce système, pour ne citer que deux exemples : si les systèmes individuels de poste et de transport sont hiérarchisés en interne, ils coopèrent tous pour acheminer le courrier ou les trains d’un pays à un autre sans qu’aucune autorité suprême ne soit nécessaire à aucun moment du processus. De même, les individus qui ne peuvent pas s’entendre suffisamment pour travailler ensemble au sein d’un même collectif peuvent toujours coexister au sein de groupes distincts. Pour que cela fonctionne à long terme, bien sûr, nous devons inculquer des valeurs de coopération, d’attention et de tolérance aux générations à venir – mais c’est exactement ce que nous proposons, et nous ne pouvons pas faire pire dans cette tâche que ce que les partisan.e.s du capitalisme et de la hiérarchie ont fait.
Action directe
L’autonomie nécessite que vous agissiez pour et par vous-même : au lieu d’attendre que vos revendications passent par les canaux établis pour s’enliser dans la paperasse et les négociations sans fin, établissez plutôt vos propres canaux. C’est ce qu’on appelle l’action directe. Si vous voulez que les personnes affamées aient à manger, ne donnez pas simplement de l’argent à un organisme caritatif bureaucratique – trouvez où les aliments sont gaspillés, collectez-les et partagez-les. Si vous voulez un logement abordable, n’essayez pas de faire adopter un projet de loi par le conseil municipal – cela prendra des années, alors que des gens dorment dehors toutes les nuits ; prenez le contrôle des bâtiments abandonnés, ouvrez-les au public et organisez des groupes pour les défendre lorsque les voyous de propriétaires absent.e.s se présenteront. Si vous voulez que les entreprises aient moins de pouvoir, ne demandez pas aux politicien.ne.s qu’elles ont achetés d’imposer des limites à leurs propres maîtres – prenez ce pouvoir par vous-même. N’achetez pas leurs produits, ne travaillez pas pour elleux, sabotez leurs panneaux publicitaires et leurs bureaux, empêchez les de tenir leurs réunions et que leurs marchandises soient livrées. Iels utilisent également des tactiques similaires pour exercer leur pouvoir sur vous – cela ne nous semble valable que parce qu’iels ont souscrit aux lois et aux valeurs de votre société bien avant notre naissance.
N’attendez pas la permission ou le leadership d’une autorité extérieure, ne quémander pas à un pouvoir plus élevé d’organiser votre vie à votre place. Prenez l’initiative !
Comment résoudre les différends sans faire appel aux autorités
Dans un arrangement social qui serait vraiment dans l’intérêt de chaque individu participant, la menace d’exclusion devrait suffire à décourager les comportements les plus destructeurs ou irrespectueux. Même lorsqu’il est impossible de l’éviter, l’exclusion est certainement une approche plus humaine que les prisons et les exécutions, qui corrompent la police et les juges autant qu’ils aigrissent les criminel.le.s. Celleux qui refusent de respecter les besoins des autres, qui ne s’intègrent pas dans une communauté, peuvent se retrouver bannis de la vie sociale – mais c’est toujours mieux que l’exil dans un pavillon psychiatrique ou dans le couloir de la mort, deux des possibilités qui attendent aujourd’hui ces personnes . La violence ne devrait être utilisée par les communautés qu’en cas de légitime défense, et non avec le sentiment de légitimité avec lequel elle est appliquée par notre système d’injustice actuel. Malheureusement, dans un monde régi par la force, les groupes autonomes basés sur le consensus risquent de se retrouver en opposition avec celleux qui ne respectent pas les valeurs de coopération et de tolérance ; ils doivent veiller à ne pas perdre ces valeurs en elles-mêmes dans le processus de défense.
Les désaccords graves au sein des communautés peuvent être résolus dans de nombreux cas en réorganisant ou en subdivisant les groupes. Souvent, les personnes qui ne peuvent pas s’entendre dans une certaine configuration sociale ont plus de succès à coopérer dans un autre contexte ou en tant que membres de communautés parallèles. S’il est impossible de parvenir à un consensus au sein d’un groupe, ce groupe peut être divisé en groupes plus petits capables de l’atteindre en interne. Une telle chose peut être gênante et frustrante, mais elle est préférable aux décisions de groupe prises finalement par la force de celleux qui ont le plus de pouvoir. . Comme pour les individus et la société, il en va de même pour les différents collectifs : si les avantages du travail en commun l’emportent sur les frustrations, cela devrait être suffisamment incitatif pour que les gens règlent leurs différends. Même des communautés radicalement différentes ont toujours intérêt à coexister pacifiquement et doivent en quelque sorte négocier les moyens de parvenir à cet objectif…
Vivre sans autorisation
… C’est la partie la plus difficile, bien sûr. Mais nous ne parlons pas ici simplement d’un autre système social, nous parlons d’une transformation totale des relations humaines – car il n’en faudra pas moins pour résoudre les problèmes auxquels notre espèce est confrontée aujourd’hui. Ne nous y trompons pas – tant que nous n’y parviendrons pas, la violence et les querelles inhérents aux relations basées sur le conflit continueront de s’intensifier et aucune loi ou système ne pourra nous en protéger. Dans les structures fondées sur le consensus, il n’existe aucune fausse solution, aucun moyen de supprimer un conflit sans le résoudre ; celleux qui y participent doivent apprendre à coexister sans contrainte ni soumission.
Les premiers grains de sables précieux de ce nouveau monde se retrouvent dans nos amitiés et nos histoires d’amour dès qu’elles sont libérés de la dynamique du pouvoir, dès que la coopération se apparaît naturellement. Imaginez que ces moments s’étendent à l’échelle de toute notre société – c’est la vie qui nous attend au-delà de la démocratie.
On peut avoir l’impression que nous sommes séparés de ce monde par un gouffre infranchissable, mais ce qui est merveilleux avec le consensus et l’autonomie, c’est que vous n’avez pas à attendre que le gouvernement vote pour eux : vous pouvez les pratiquer dès maintenant avec les gens qui vous entourent. Mis en pratique, les vertus de ce mode de vie sont claires. Formez votre propre groupe autonome, ne répondant à aucun pouvoir sauf au vôtre, et poursuivez la liberté par vous-même, vos représentant.e.s ne le feront pas pour vous – car iels ne peuvent pas le faire.
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Annexe : une fable
Trois loups et six chèvres discutent de ce qu’il faut préparer pour le dîner. Une chèvre courageuse plaide avec passion : « Nous devrions le soumettre au vote ! » Les autres chèvres craignent pour leur vie, mais étonnamment, les loups acquiescent. Mais lorsque tout le monde se prépare à voter, les loups prennent trois des chèvres à part.
« Votez avec nous pour préparer les trois autres chèvres pour le dîner », menacent-ils. “Sinon, vote ou pas, nous vous mangerons.”
Les trois autres chèvres sont choquées par le résultat du vote : une majorité, y compris leurs camarades, ont voté pour qu’elles soient tuées et mangées. Elles protestent dans l’indignation et la terreur, mais la chèvre qui a suggéré le vote les réprimande : « Soyez reconnaissantes de vivre dans une démocratie ! Au moins, on a eu un mot à dire dans cette histoire !
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https://wlibertaire.net/2019/04/la-fete-est-finie-au-dela-de-la-politique-au-dela-de-la-democratie/
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