Il ne se passe pas une semaine sans qu’un intervenant universaliste ne soit attaqué ou déprogrammé dans une faculté. Ce fut le cas de Fatiha Boudjahlat et Christine Le Doaré, invitées à débattre des « contours d’un féminisme universaliste » à Nanterre. Beau sujet.
Leurs noms seront finalement rayés sur pression de membres du Conseil scientifique du congrès international des recherches féministes dans la francophonie, lancé il y a vingt-deux ans au Québec et truffé de multiculturalistes allergiques au modèle français.
La conférence prévue fin août se tiendra sans elles, et à sens unique. Ainsi va la vie universitaire depuis l’OPA réussie des communautaristes sur la recherche féministe et/ou antiraciste.
En Angleterre, les très rares représentant-e-s de la pensée universaliste, comme l’Iranienne Maryam Namazie, sont régulièrement déprogrammés ou attaqués par des étudiant-e-s et enseignant-e-s pro-intégristes, qui les insultent et les menacent.
Moi-même, je ne peux plus intervenir sans prendre le risque de voir débarquer des fanatiques qui interrompent nos débats et tentent de m’agresser. Ne parlons pas des angoisses pour notre sécurité depuis le 7 janvier 2015.
Les amis de Charlie ne peuvent prendre la parole sans un impressionnant et coûteux dispositif de sécurité. Jusqu’à 20 000 dollars s’il faut sécuriser la conférence publique d’un membre du journal en Angleterre ou aux Etats-Unis, où la protection des personnes menacées de mort en raison de leurs opinions n’est pas assurée par l’Etat. Autant vous dire que les facultés préfèrent inviter des personnalités moins coûteuses et moins menacées, comme les communautaristes, qui correspondent en plus à leur modèle de pensée.
A l’invitation de cercles étudiants, Tariq Ramadan, Dieudonné mais aussi des négationnistes du génocide arménien ont pu faire mille claquettes sur les estrades de l’Université « libre » de Bruxelles, créée par des francs-maçons… pour défendre le libre examen !
A l’inverse, mes conférences contre l’idéologie sécuritaire ou l’extrémisme ont été violemment interrompues par des étudiant-e-s extrémistes, comme lors de l’opération « burqa bla bla », menée par un enseignant proche des Indigènes du royaume, l’équivalent belge des Indigènes de la République. Il a fini par être sanctionné. Mais d’autres professeurs, toujours en poste, se chargent de censurer tout intervenant-e universaliste, comme à Nanterre.
Tranquillement et en coulisses, la déconstruction nécessaire a tourné à la revanche. Les réseaux des prometteuses gender studies servent moins à défaire la domination masculine qu’à importer une pensée anglo-saxonne multiculturaliste caricaturale, qui défend des quotas ethnicisants, les alliés des intégristes, et accuse de racisme toute personne ayant le malheur de défendre une vision plus laïque et universaliste. Lentement mais sûrement, ces chiens de garde du communautarisme – surreprésentés à l’EHESS, Normale sup et bien sûr à Paris-VIII – nous préparent une future élite complice de la réaction intégriste et sexiste. Elle a déjà Internet et le reste du monde pour nous empoisonner. Faut-il vraiment que ces lieux dédiés à l’éducation et à la transmission lui servent de relais ? Et censurent en prime les pensées féministes antidotes ? A ce rythme, la bataille intellectuelle est pliée. Les universalistes sont prévenus. Il faudra chercher d’autres lieux, l’art et la culture, pour la mener.