A l’anarchiste Libertad,
en toute camaraderie.
Soyez sages, courbez l’échine, bafouez les révoltés, jetez la pierre à Souvarine, de vos maîtres, léchez bien les pieds « honnêtes ouvriers ».
Produisez beaucoup pour les patrons, dites merci s’ils vous donnent du bâton, vous aurez une médaille à soixante ans d’âge… si vous n’êtes pas crevés « honnêtes ouvriers ».
A trente ans, vous êtes des vieillards, vos singes sont gras à lard. Vous pourriez leur crever la bedaine, mais… ça n’est pas la peine. S’ils n’étaient plus, comment feriez-vous pour avoir un licou. Un collier vaut bien la liberté, n’est-ce pas « honnêtes ouvriers » ?
Se révolter c’est bête et très laid, mieux vaut crever en turbinant à l’atelier. De l’argent, vous en avez peu, mais suffisamment cependant pour prendre la bleue. C’est moins difficile qu’un acte de révolte virile… et ça coûte si peu. Et, puis ! c’est des ganaches les révoltés, mieux vaut rester « honnêtes ouvriers ».
Vous n’êtes rien, veuillez ne rien être, mendiez du travail à vos maîtres, donnez-leur vos bras, vos cerveaux, vos corps tout entiers, soyez souples des reins, « honnêtes ouvriers ».
Alors demain comme aujourd’hui, vous serez choyés des patrons qui, si vous leur demandez du pain, vous donneront du plomb… pour vous supprimer, « honnêtes ouvriers ».
Achille LÉGERET
Extraits de Cris de haines et Paroles d’amour
l’anarchie n°41, jeudi 18 janvier 1905 (deuxième année).