La Roya, vallée encaissée et perdue des Alpes-Maritimes. Quelques communes escarpées, des paysages désertiques, les cimes enneigées marquant l’horizon... On est loin de Calais ou de Melilla. Les derniers temps ont pourtant été fort agités dans la vallée, entre emballement médiatique et déchaînement des autorités contre les habitants ayant tendu la main aux migrants en transit.
« Un peuple de maçons pour en finir avec la surpopulation des murs, en finir avec leur strip-tease, leur idée fixe et autres alliances consolidées avec l’acier. En finir avec l’arrogance de tous ces murs qui prennent des barbelés pour des colliers d’argent. »
Récemment, les médias ont beaucoup parlé de la vallée de la Roya. Pas vraiment des migrants qui y atterrissent par centaines, mais plutôt de leurs soutiens, ces bonnes volontés qui luttent contre l’air pestilentiel du temps en accueillant des visiteurs exténués par un long voyage.
En mal de leader photogénique, les journalistes ont vite trouvé leur « héros » en la personne de Cédric Herrou, courageux agriculteur s’échinant à revendiquer son activisme malgré les coups de semonce judiciaires. D’un même élan, ils ont délivré une caricature de type Astérix, qui voudrait qu’il y ait au fin fond des Alpes françaises une petite vallée résistant encore et toujours à l’envahisseur en uniforme et à la connerie ambiante, ses habitants tous unis dans un inconditionnel soutien aux migrants. Sortez les violons.
Cette histoire-là, contée par des médias en quête de belles histoires sucrées et de récits roudoudou est en partie erronée. Non, la vallée de la Roya ne se tient pas debout d’un bloc face à l’Europe forteresse. Non, ses habitants ne sont pas tous des protorésistants guidés par leurs âmes charitables. Au sein de ces petites bourgades perchées dans les hauteurs, il y a des délateurs, des corbeaux aigris – comme partout. « Nombreux sont ceux qui craignent pour l’image de la vallée, voient notre action d’un très mauvais œil », résume un militant, lequel explique que les autochtones hostiles ont très vite tombé le masque lors des premières arrivées massives de migrants, au lendemain des révolutions arabes.
Il n’empêche, une fois le beau récit unanime dégonflé et les caméras de BFM et CNN renvoyées chez leur maman, il reste une réalité : ce petit coin paumé voit se multiplier les initiatives et prises de position en faveur des migrants – certaines revendiquées, d’autres discrètes. Mieux : il commence à fédérer, à attirer des personnes venues de l’extérieur, désireuses de mettre la main à la pâte. Si bien qu’une ligne de fracture se dessine progressivement : d’un côté la forteresse et ses gardiens, de l’autre les brèches qui la fissurent.
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