Savoir si le négationnisme doit être pénalement jugé est une question en réalité bien différente de celle que pose le film. En 2000, le négationnisme perd le procès que David Irving a initié, il n’est pas condamné. Le point le plus crucial du film n’est pas non plus la vérité de l’extermination, qui n’est jamais remise en question ; il s’agit de se défaire des affects pour la prouver scientifiquement. En revanche, la question sans doute la plus fine qui est développée par le film et le procès, c’est le fait que les discours négationnistes sont véhiculés par une idéologie raciste, antisémite voire fasciste. Ce n’est pas une simple opinion, c’est une opinion qui refuse délibérément d’accepter des faits historiques pour des raisons inavouables et inavouées. À l’heure des fake news et autres faits alternatifs, et dans le contexte politique actuel, cette prise de conscience a son importance…
Il est crucial de rappeler la valeur de faits prouvés, quand les responsables politiques balaient les preuves scientifiques d’un revers de main. Il est crucial de le rappeler aussi quand des responsables politiques arrivent, même provisoirement, à la tête d’un parti qui se prétend respectable et républicain. Ces « opinions » négationnistes sont tout sauf un libre exercice de la pensée et sont basées sur des fondements idéologiques.
Pourquoi encore lutter contre le négationnisme ?
Parce que, comme le dit justement Henry Rousso : « on peut oublier un bienfait sans trop de conséquences, mais oublier un crime, ce serait le commettre une seconde fois ». Il s’agit de ne pas tomber dans le refus des nationalismes européens de reconnaître les crimes du passé, sans tomber non plus dans une lecture victimaire de l’histoire. L’historien a la charge de l’histoire, avant que le monde politique et l’espace public ne s’empare de la mémoire. Encore faut-il que cette mémoire repose sur des bases saines. Rappelons, comme le fait le documentaire Les Faussaires de l’histoire, que le négationnisme repose sur l’idée d’un complot juif sioniste, qui aurait instrumentalisé et exagéré l’extermination nazie pour favoriser et financer la création de l’État d’Israël. Rappelons également que les négationnistes instillent le doute, instrumentalisent des erreurs ponctuelles pour remettre en question une vérité historique plus générale. C’est en faisant ce raisonnement, que l’on aboutit finalement à ce fameux « détail de l’histoire » de Jean-Marie Le Pen, dont le Front National est le continuateur aujourd’hui.
Face à ces débats sans cesse recommencés, l’historien-ne ne peut faire comme si de rien n’était. Iel doit rappeler avec force que l’histoire est une démarche s’appuyant sur un raisonnement rationnel et des preuves tangibles. Il y a bien sûr encore des controverses sur ces questions : pensons notamment au débat historiographique autour du terme même de Shoah, ou encore autour de la « Shoah par balles ». Il est naturel et sain que les historiens puissent se poser librement ces questions. Mais iels doivent le faire en dehors de toute posture idéologique, loin des présupposés racistes et complaisants face aux régimes totalitaires qui sous-tendent encore et toujours les discours négationnistes.