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Claude Lanzman et la compassion à deux vitesses

posté le 07/07/18 Mots-clés  antifa 

« Tsahal », défense et illustration de l’armée israélienne

« Notre armée est pure (…), elle ne tue pas d’enfants. Nous avons une conscience et des valeurs et, à cause de notre morale, il y a peu de victimes [palestiniennes]. » Ainsi parlent, sans être contredits, des généraux israéliens dans « Tsahal », le film réalisé par Claude Lanzmann neuf ans après « Shoah »…

Avant la projection de son film devant la presse à Paris, le 25 septembre 1994, l’auteur déclara que son intention était de présenter une armée juive pourvue, selon lui, de caractères spécifiques par rapport aux autres armées. A quoi tiendrait donc cette différence ? Ses généraux l’expliquent dans le film : « Notre armée est pure (...), elle ne tue pas d’enfants. Nous avons une conscience et des valeurs et, à cause de notre morale, il y a peu de victimes [palestiniennes] », etc. Or la chronique contredit ce discours. Claude Lanzmann, enquêteur compétent s’il en est, ne pose pas, cette fois, de questions embarrassantes et laisse passer de tels propos sans la moindre contestation. En fait, il s’est fixé un objectif irréaliste : l’armée israélienne est, comme les autres, un instrument au service du pouvoir. Et lorsqu’une armée doit se transformer en force d’occupation, inévitablement elle viole les droits de l’homme et pratique la répression. Dans ce domaine, il n’est pas d’exception. Le fait que les parents des soldats israéliens aient été victimes du génocide hitlérien — ce que Claude Lanzmann n’oublie pas de rappeler à plusieurs reprises — n’apporte aucune circonstance atténuante à la spoliation des droits des Palestiniens.

On était en droit d’attendre tout autre chose du mariage d’un aussi habile documentariste avec un sujet aussi brûlant (2). Car Tsahal ressemble par trop aux films de propagande produits au cours des premières années de l’Etat d’Israël, alors même que le cinéma politique en ce pays a considérablement évolué. Dans Shoah, Claude Lanzmann aurait pu allonger sa narration de deux ou trois heures, le film serait resté aussi captivant. Tandis que, en regardant Tsahal, l’on s’ennuie ferme au bout de deux heures. Et il en reste encore trois...

Pendant la projection privée du film à Paris, l’auteur a affirmé : « Je n’ai rien évité et rien caché. » Or, fait incroyable, le film omet complètement de traiter de la guerre du Liban, la plus problématique que l’armée israélienne ait menée dans son histoire, une guerre qui a secoué et déchiré toute la société, qui a causé la mort de quelque sept cents soldats israéliens, de plus de vingt mille Palestiniens et Libanais, et qui a provoqué la démission du premier ministre Menahem Begin ; une guerre déclenchée en juin 1982 pour anéantir l’OLP et qui a duré jusqu’en 2000, mais sous une autre forme, dans le Sud-Liban occupé par Israël. Mais le film passe sous silence les bombardements des villes et la destruction des camps de réfugiés au Sud-Liban en 1982, le terrible siège de Beyrouth, le massacre de Sabra et Chatila que facilita l’armée israélienne (3). Et voici le Liban rayé de l’histoire de Tsahal dans un film appelé Tsahal. Ce serait comme un film sur l’armée française sans la guerre d’Algérie.


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