Postmoderne
L’article à prétention scientifique prend pour objet l’Autolib’, le véhicule de partage en service à Paris, comme signe des « automobilités postmodernes ». Il « vise à mettre au jour les soubassements imaginaires d’un objet socio-technique urbain contemporain : l’Autolib’.
Sur la base d’une enquête de terrain approfondie, elle-même couplée à une phénoménologie herméneutique consistante, nous montrons que la petite voiture de location d’apparence anodine, mise en place à Paris en 2011, se révèle être un indicateur privilégié d’une dynamique microsociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémè̀ “moderne” à une épistémè̀ “postmoderne”. » Bien… Comprenne qui pourra.
Le comité scientifique de la revue – deux universitaires en l’occurence –, ne s’est pas arrêté à ce galimatias, ni aux énormités sociologiques, aux circonlocutions cryptiques et aux jeux de mots boursouflés, de purs effets de manche parodiques.
Pour rire et par exemple, Jean-Pierre Tremblay note qu’« ainsi la masculinité effacée, corrigée, détournée même de l’Autolib’ peut-elle (enfin !) laisser place à une maternité oblongue – non plus le phallus et l’énergie séminale de la voiture de sport, mais l’utérus accueillant de l’abri-à-Autolib’ » ou encore, que « cette voiture qui me conduit plus que je ne la conduis, dans laquelle je me fonds pour pouvoir me déplacer, qui ne m’appartient pas et me libère pour cette raison même, témoigne bien de ce présentéisme multiforme, de cette épistèmê non plus projective, mais tragique, définalisée. »
Fumisterie
Les deux chercheurs masqués, anciens étudiants de Michel Maffesoli, assurent n’avoir jamais mis le pied dans une Autolib’. Aucune importance ; l’essentiel n’étant pas « d’explorer les objets, mais de les convertir dans un langage de description déjà̀ constitué et autosuffisant » afin de « démonter de l’intérieur, en toute connaissance de cause, la fumisterie de ce que nous appellerons le “maffesolisme” – c’est-à-dire, bien au-delà de la seule personnalité de Michel Maffesoli, le fondateur et directeur de la revue Sociétés, une certaine “sociologie interprétative/postmoderne” à vocation académique. »
Ce faisant, ils s’inspirent d’un illustre prédécesseur : Alan Sokal, auteur avec le Belge Jean Bricmont des Impostures intellectuelles en 1997, dans lequel ils dénoncent l’usage abusif des concepts scientifiques par les philosophes. À charge de preuve, le physicien américain a fait publier en 1996 dans la revue Social Text un article « généreusement assaisonné de non-sens » à prétention scientifique, cependant : « Transgressing the boundaries : towards a transformative hermeneutics of quantum gravity » (« Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravité quantique »).