dimanche noir à Bruxelles
Il nous paraît important de contextualiser la mobilisation du 16 décembre 2018 à Bruxelles, qui a permis à une extrême droite de rue d’émerger du marasme où elle se trouvait depuis plus de 10 ans. Le premier facteur est indubitablement la droitisation du champ politique et médiatique (particulièrement en Flandre où la "gauche" se retrouve dans les cordes depuis de nombreuses années).
On doit pointer le rôle clé joué par le plus grand parti en Flandre, la NVA (« Nouvelle Alliance Flamande ») qui, en plus de l’agenda – partagé par l’ensemble de la coalition gouvernementale – d’attaques sur les conditions de vie de la population pour le plus grand plaisir des patrons, s’est distinguée par la multiplication des provocations racistes, homophobes et sexistes. Cette stratégie communicationnelle et la multiplication des lois sécuritaires ciblant les migrantes et migrants mais aussi les quartiers populaires, au nom comme toujours d’une lutte contre le terrorisme, a permis une libération de la parole raciste et des actes de violence.
Droite radicalisée
Cependant, pris quelque part à son propre jeu, la NVA a ressuscité aux dernières élections communales le Vlaams Belang (VB – l’équivalent du Front national en Flandre) qui était pourtant en déclin depuis plusieurs années (grâce à un jeu de vases communicants entre droite radicalisée et parti néo-fasciste).
On a également vu apparaître un nouvel acteur occupant le rôle du Greenpeace fasciste, un petit mais très influent parti d’étudiants flamands, Schlid en Vrienden (SV – « Bouclier et Ami »). Il s’agit dans sa stratégie d’une copie conforme de Génération identitaire dans son mode d’action mais dont l’entrisme viserait à la fois le Vlaams Belang (donc l’extrême droite fasciste) et le parti de droite radicalisée qu’est la NVA.
Ces deux stratégies sont plus ou moins couronnées de succès car en deux ans d’existence ce groupe a réussi à faire parler de lui quasiment mensuellement dans les médias traditionnels et aussi sur les réseaux sociaux mais également à placer une dizaine de ses membres sur les listes électorales de la NVA. Suite à la volée de bois vert électorale en octobre, la NVA a décidé de radicaliser encore plus son discours sur la droite pour récupérer le terrain reconquis par le Vlaams Belang. Elle s’est saisie du pacte de Marrakech, en déclarant une opposition catégorique à un pacte non-contraignant, s’opposant ainsi au reste du gouvernement.
Après plus de deux semaines de crise, la NVA est sortie du gouvernement avec ce prétexte. Il est d’ailleurs à noter que sa communication a complètement adopté la rhétorique de l’extrême droite sur le supposé grand remplacement de la population blanche que sous-tendrait ce pacte. Il n’en fallait pas plus pour que l’extrême droite de rue se sente pousser des ailes et annonce une grande marche sur Bruxelles.
Le 9 décembre, une coalition allant d’associations conservatrices flamandes aux groupes les plus ouvertement fascistes annonce une grande marche contre le pacte de Marrakech avec en organisations clairement leaders de cette coalition : le VB et S&V. Cette annonce a été précédée d’un travail de propagande sur les réseaux sociaux de plusieurs semaines avec en point d’orgue une pétition en ligne téléguidée par le VB qui récolte rapidement plusieurs dizaines de milliers de signatures.
Le succès est immédiat, plusieurs milliers de personnes annoncent leur venue (cela cumulera en fin de semaine avec plus de 50 000 personnes déclarant leur intention de marcher sur Bruxelles). Rapidement plusieurs clubs de hooligans de droite annoncent également qu’ils rejoignent la danse, constituant les véritables troupes de choc de ce mouvement.
Les organisateurs poussent le vice jusqu’à appeler la NVA à rejoindre la marche ; celle-ci déclinera l’invitation, de peur de se faire dépasser par sa droite plus que par rejet du contenu politique. L’une des principales figures du mouvement, Théo Francken, déclare néanmoins son soutien personnel aux marcheurs. Il est l’ancien secrétaire à l’asile et l’immigration et l’un des tenants de l’aile droitière de la NVA et auteur de nombreux dérapages racistes contrôlés.
La mobilisation bénéficie d’une immense couverture médiatique plutôt favorable durant la semaine, surtout quand par peur des débordements les autorités bruxelloises annoncent l’interdiction de la marche. Les organisateurs annoncent d’emblée qu’ils marcheront quoiqu’il arrive dimanche au nom de la « liberté d’expression » et contestent sur le plan juridique cette interdiction. Deux jours plus tard, la justice leur donnera « raison ». Iels seront donc entre 5000 et 7000 à descendre dans les rues de Bruxelles pour une manifestation qui devait être statique mais qui terminera par une marche et qui se conclura par une émeute dans le quartier européen. Le tout se soldant par à peine moins d’une centaine d’arrestations alors que la semaine précédente les gilets jaunes de Belgique avait dû faire face à une répression bien plus féroce (450 arrestations).
Antifascisme : réponse, lutte, défi.
Nous finirons finalement par rassembler entre 1500 et 2000 personnes qui partiront en manifestation pour aller protéger l’un des parcs où se regroupe habituellement les migrant-e-s. Cette alliance réunira plus de 40 organisations. Celle-ci n’est pas un échec mais reste bien en deçà du défi lancé par les fascistes.
L’antifascisme belge vit un moment historique et doit maintenant relever ce défi.
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