Si l’enseignant désapprouve l’usage du terme au sens strict, il ne nie pas qu’il y a en France « des formes de ségrégation sociale et raciale. » Il en conclut, en affirmant qu’ « il y a une cécité française sur les réalités sociales. »
Dans sa plaidoirie, il démontre : « Quand les gens sont discriminés pour des raisons de pauvreté, ils finissent par organiser une sorte de contre-monde. » En cela, le professeur me donne à penser aux mouvements altermondialistes qui s’opposent avec véhémence aux Forums de Davos, en Suisse. D’un côté, les nantis qui s’organisent pour défendre leurs acquis afin de s’enrichir davantage ; de l’autre, les déshérités, écrasés, qui affûtent leurs réflexes de survie.
En France, ce combat est réel. Il ne s’y traduit pas seulement en termes matérialistes, mais aussi par la différence de couleur de peau que l’on désigne par le mot « racisme ». Un « gros mot » que tout le monde évite subtilement de prononcer… puisque il est grossier, par essence. A la place, on préfère utiliser un « euphémisme » élégant. Pourtant, Camus pensait que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Un chat, c’est un chat.
Le professeur Lapeyronnie n’a pas dérogé à la règle. Pour contourner la difficulté, il a plutôt employé l’expression « ségrégation raciale » qui, sur le plan sémantique, fait glisser le sens en l’atténuant. Mais la formule qu’il propose, en guise de solution, est sans équivoque. N’épousant pas la thèse de la « mixité sociale », l’enseignant affirme : « Si on ne peut pas vivre ensemble dans le même quartier, on peut le faire dans une même société . » N’est-ce pas là de l’ « apartheid ? »
Qu’est-ce que l’ « apartheid », sinon le fait de séparer les races, les castes dans leur espace résidentiel ? Le modèle est sud-africain : Blancs d’un côté, Noirs, Indiens et métis de l’autre. En France, Blancs d’un côté, Noirs, Arabes, et Blancs pauvres (assimilés), de l’autre… selon la proposition du professeur sociologue. C’est bonnet blanc et blanc bonnet.
La solution n’est pas dans la « séparation », mais plutôt dans l’ « élimination » des préjugés. C’est le poison. La solution est dans l’unité tant mentale que dans celle qui rapproche les gens dans la vie pratique de tous les jours, où les inégalités sont atténuées. Or, « Il est plus facile de désagréger un atome qu’un préjugé », disait Einstein. Mais, tout est possible, à travers l’éducation et la volonté de fraterniser … si un jour, la France des « Lumières » le veut.