Depuis plusieurs années, une dérive sémantique est en marche qui vise à qualifier de "nouvel antisémitisme" toute critique de l’Etat d’Israël, de sa politique ultranationaliste, d’apartheid et de colonisation. Un amalgame scandaleux pour défendre l’indéfendable et un rapprochement idéologique inquiétant. D’autant qu’une tentative récente de promotion de l’antisémitisme, le vrai, ajoute au malaise
Je viens de publier un livre abominablement antisémite, je vous l’envoie. Je suis l’ennemi n° 1 des juifs »
C’est par ces mots que Louis Ferdinand Céline assurait la promotion de ses pamphlets où il donnait libre cours à sa haine antijuive. Pas d’ambiguïté donc.
Ces textes répugnants : "Bagatelles pour un massacre" (1937), "L’école des cadavres" (1938) et "Les Beaux draps" (1941) ne seront finalement pas republiés (pour l’instant) par Gallimard, éditeur historique de l’écrivain.
De nombreuses voix se sont élevées contre la possible réédition de ces propos fous, délirants, immondes. Mais peu se sont interrogées sur le pourquoi aujourd’hui, quelle nécessité ?
D’autant que les éditions du temps du nazisme et de la collaboration sont toujours en circulation chez les bouquinistes, sur internet, et en bibliothèque, à la disposition des chercheurs et des historiens qui travaillent sur cette période.
Céline nous donne peut-être lui même la réponse : "Que demande toute la foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l’or et devant la merde !" (Bagatelles pour un massacre)
Car ce "coup éditorial" aurait apporté la caution d’une grande maison d’édition à une sorte "d’antisémitisme mondain", affaiblissant ainsi toute possibilité de sanctionner paroles, écrits et propagande antisémite.
Les pamphlets céliniens sont une véritable caricature de l’antisémitisme, de l’incitation à la haine, à la discrimination et à la violence raciale, des délits qui tombent, en France, sous le coup de la Loi.
Pourtant, inculture ou irresponsabilité, le Gouvernement français, par la voix de son Premier Ministre, Edouard Philippe, s’est dit favorable à la republication de ces écrits abjects.
Le même Premier Ministre qui annonçait le 2 octobre dernier dans une synagogue parisienne un nouveau plan de lutte contre l’antisémitisme et déclarait : "Nous ne laisserons rien passer », qualifiant l’antisémitisme de « bête immonde » qui « emprunte à la fois à l’hydre et au phénix : […] quand on le croit disparu, il réapparaît encore et encore ».
Mais alors pourquoi cette apparente volte-face ?
Ce n’en n’est pas une.
Car depuis plusieurs années, une inquiétante dérive sémantique est à l’oeuvre. Qui qualifie désormais de "nouvel antisémitisme" (sic) le combat contre le racisme, la colonisation et les massacres de l’Etat d’Israël.
Cette campagne de propagande honteuse est menée par le Gouvernement, une majorité de lâches politiciens, de voix racistes et relayée par des media complaisants.
Elle vise à transformer systématiquement une opinion (critiquer la politique d’Israël) en un délit (l’antisémitisme). Ainsi le "délit d’opinion", propre des dictatures, s’est peu à peu infiltré dans la République.
Les membres les plus zélés de cette coalition indigne, si prompte à soutenir un nationalisme criminel, ont habituellement tribune ouverte dans les media. Tels les Valls, Hidalgo ou BHL par exemple.
Sauf erreur, ils ne se sont pas exprimés concernant la possible réédition des écrits ignobles de Céline, qui ont participé à conduire des millions d’hommes et de femmes à la mort dans le plus abominable génocide de l’Histoire.
Nous vivons une époque dangereuse et devons être vigilants. Méfions-nous des rapprochements idéologiques périlleux entre tous ceux qui ont pour fond de commerce les haines, les communautarismes, les guerres.
Jusqu’où sont-ils prêts à aller, à défendre l’indéfendable, pour attiser le chaos nécessaire à la mise en oeuvre de leur soif de pouvoir ?