Qu’attendons-nous du procès aux assises des agresseurs de Clément Méric ?
La cour d’appel de Paris a rejeté le 5 décembre le recours d’un des skinheads impliqués dans la rixe qui a coûté la vie en 2013 au jeune militant antifasciste Clément Méric. Esteban Morillo et Samuel Dufour sont renvoyés aux assises pour violences ayant entraîné la mort avec les circonstances aggravantes qu’elles ont été commises en réunion et avec usage ou menace d’une arme. Le comité pour Clément rapporte ce qu’il attend de ce procès.
A l’issue de quatre ans d’enquête, le juge d’instruction a conclu au renvoi des agresseurs devant la Cour d’assises. Deux d’entre eux, Esteban Morillo et Samuel Dufour, sont accusés de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, commises en réunion et avec usage ou menace d’une arme. Les circonstances aggravantes retenues soulignent le caractère délibéré du recours à la violence par les skinheads, qui sont allés au contact du groupe de Clément et ont pris l’initiative de l’affrontement. Saisie d’un recours, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris vient de confirmer cette décision. Un procès aux assises devrait avoir lieu d’ici quelques mois.
Souvenons-nous : après l’effroi est rapidement venu le temps du doute, soigneusement orchestré. On s’était emballé, les agresseurs n’étaient pas ceux que l’on croyait. Invoquant mensongèrement le contenu d’images de vidéosurveillance, une manipulation médiatique, probablement initiée par des relais de l’extrême droite dans la police, faisait des agressés les agresseurs. Elle venait opportunément cautionner les déclarations des skinheads qui prétendaient avoir agi en légitime défense. Bien que contredite par des responsables de la police judiciaire, cette version fut relayée sans précaution par une large partie de la presse – déclenchée sur RTL trois semaines après la mort de Clément, l’opération de désinformation « La vidéo de l’agression a parlé » avait notamment trouvé un puissant écho au JT de 20 heures de France 2, sous forme d’une infographie représentant Clément attaquant traitreusement un paisible Esteban Morillo. L’effet fut évidemment dévastateur et conduisit une partie de l’opinion à considérer que, finalement, il s’agissait sans doute d’une simple bagarre qui avait mal tourné entre bandes rivales violentes, renvoyées dos à dos.
Or, la mort de Clément Méric n’est pas le résultat d’un malheureux hasard, encore moins le fruit d’une culture de la confrontation physique que partageraient également les groupuscules d’ultra-droite et les mouvements antifascistes.
L’agression doit être resituée dans le contexte politique du printemps 2013, c’est-à-dire un fort mouvement d’opposition conservatrice à l’adoption du mariage homosexuel. La Manif pour tous, mobilisant toutes les droites, avait excité l’activisme d’extrémistes et entraîné une multiplication des violences homophobes ou racistes.
L’agression de Clément et de ses camarades n’a pas été le fait d’électrons libres : les hommes aujourd’hui traduits devant la cour d’assises étaient membres ou sympathisants de Troisième voie, groupuscule ultranationaliste dirigé par Serge Ayoub, alias Batskin, connu dans les années 80 comme chef de bande de skinheads parisiens d’extrême-droite. Ce dernier s’était également entouré d’une milice de gros bras chargée du service d’ordre de son mouvement, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Ces deux organisations ont été dissoutes par le gouvernement consécutivement à la mort de Clément.
Clément Méric a été victime d’un groupe de jeunes gens entretenus dans le culte de la violence par un chef porteur d’un programme politique fascisant, ce que souligne la devise des JNR, empruntée au parti de Mussolini : « Croire, combattre, obéir ».